Etes-vous prêt à dépenser 47 000 euros pour stocker des cellules qui pourraient peut-être un jour servir à reconstituer un tissu ou un organe malade ? Non, ce n’est pas de la science fiction. Une société française spécialisée dans les biotechnologies, Cellectis, a lancé au début de l’été ce service étonnant via une filiale. Ce service se fonde sur la technique qui a valu en 2012 le Prix Nobel de Médecine au Japonais Shinya Yamanaka et au Britannique John Gurdon : celle des cellules souches pluripotentes induites, les cellules iPS. Concrètement, la personne ayant souscrit à ce service se fait prélever environ 3 mm de diamètre de peau. L’échantillon est expédié à Singapour, où les cellules sont cultivées en laboratoire et puis conservées dans de l’azote liquide. La nouveauté, c’est qu’une partie d’entre elles est aussi reprogrammée pour donner naissance à des cellules iPS, elles-mêmes cryogénisées dans de l'azote. Ces cellules peuvent ensuite être induites à se redifférencier en de nombreux types de cellules comme des cellules du sang, des cellules musculaires du cœur, etc. Ainsi, si le client a un problème de santé, les médecins pourraient donc commander des cellules 100% compatibles du tissu dont ils ont besoin.
Cependant ce service comporte deux écueils. Le premier, c’est un problème éthique. Seules les personnes ayant les moyens pourraient se permettre de bénéficier des techniques de la médecine régénérative. Une logique contraire au droit français. L'activité de conservation de cellules iPS est elle aussi interdite en France, où seules sont autorisées les banques de cellules ayant un but thérapeutique ou de recherche. C’est pour cette raison que l’offre de Cellectis est commercialisée par des filiales à Singapour et Dubaï.
Ecouter Marc Peschanski, directeur scientifique de l’I-Stem, l'Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques : « C’est grave sur le plan éthique »
Deuxième écueil : la technique des cellules iPS n’est pour le moment pas tout à fait au point. Les chercheurs se sont aperçus en comparant ces cellules avec des cellules souches embryonnaires que les cellules iPS posent des questions de sécurité. « Nous savons aujourd’hui que le processus de reprogrammation pour aboutir à des cellules iPS induit des modifications du patrimoine génétique », explique schématiquement le directeur scientifique d’I-Stem, le Pr Marc Peschanski. Les cellules IPS ne sont pas tout à fait une copie des cellules souches embryonnaires humaines, comme celles qu’on obtient à partir d’embryons humains dits « surnuméraires », issus de la fécondation in vitro et voués à la destruction. « On s’est même rendu compte que quand on faisait des IPS à partir du même donneur les cinq ou six clones qu’on obtenait n’étaient pas tout à fait identiques, explique le Pr Marc Peschanski. C’est lié à des questions d’épigénétique, à des modifications dans le contrôle de l’expression des gènes qui n’est pas exactement normal ».
Cela dit, ces difficultés n'empêchent pas les chercheurs de continuer à travailler sur les cellules iPS. Au Japon, les autorités sanitaires viennent de donner leur feu vert pour les premiers essais cliniques sur l'Homme. Il s’agit de prélever des cellules de la rétine malade de patients atteints de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), de leur faire subir un traitement et de les leur ré-implanter. Les premiers patients devraient être recrutés à partir du 1er août. Ces travaux seront conduits par la Fondation pour la recherche biomédicale et l’Innovation (Ibri) de Kobé. Ils permettront d'apporter quelques réponses aux problèmes de mutation des cellules iPS et de voir si cette technique de médecine régénérative n'est qu'une hypothèse ou une réalité.