Les femmes n'accoucheront plus seules. Si chaque établissement a sa propre politique pour éviter les contaminations à la Covid-19, les maternités s'ouvrent de plus en plus aux deuxièmes parents avec le déconfinement. Aurélien a pu le constater lorsque sa femme a accouché dans un hôpital des Hauts-de-Seine le 15 mai, seulement quatre jours après la levée du confinement. "L'établissement avait levé les restrictions, donc les papas pouvaient être présents pendant l'accouchement, indique le manager de 32 ans. On n'a eu aucun problème : j'ai pu être avec ma femme en permanence".
Une condition toutefois: le port du masque obligatoire pour les époux en présence des soignants. "C'était vraiment la seule chose inhabituelle", insiste Aurélien. Malgré les témoignages de mères obligées d'accoucher seules dans les médias, sa femme et lui n'avaient aucune crainte. "Le suivi avec l'hôpital avait vraiment été très bien fait : on avait fréquemment rendez-vous avec la sage-femme à distance, raconte le jeune père. Elle nous avait briefés sur la manière dont l'accouchement allait se dérouler, on savait comment se rendre aux urgences, que je pourrai être présent, et que l'on devrait porter des masques. On n'avait aucune appréhension".
Aurélien évoque même la sensation d'avoir reçu "un service de luxe". "Le traitement des membres du personnel médical était incroyable : ils savaient que l'on était dans une situation qui pouvait être inquiétante, donc ils étaient toujours dans le préventif, salue-t-il. On n'était jamais dans l'inconnu".
Une "présence possible" de l'accompagnant en vigueur depuis le 27 avril
Pendant le confinement, certaines maternités refusaient la présence du deuxième parent afin d'éviter tout risque de contamination. Si d'autres l'acceptaient, elles avaient mis en place des restrictions strictes. En effet, dès le 27 mars, le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) recommandait "d’accepter l’accompagnant en salle de naissance à partir de la phase active de travail, sans possibilité de va et vient". Une autorisation qui se limitait à la seule période de l'accouchement ainsi qu'aux deux heures du post-partum.
Un mois plus tard, l'organisme estimait qu'il semblait "aujourd'hui difficile, alors que se prépare le déconfinement et que la situation s’est stabilisée avec une circulation moindre du virus, de garder la même doctrine". Dans ce document, le dernier en date concernant la position du CNGOF sur les modalités de l'accouchement, la "présence possible" de l'accompagnant est conseillée, et ce également en post-partum, "en fonction des conditions locales".
"Si j'avais de la fièvre, j'aurais interdiction d'entrer dans la clinique"
Malheureusement, Clémentine n'a pas pu profiter de ces conditions lorsqu'elle a donné naissance à son premier enfant, dans une clinique du 15ème arrondissement de Paris. Pourtant, l'événement remonte au 6 mai dernier, soit une dizaine de jours après la publication des recommandations du CNGOF. "Dans l'ensemble, ça s'est bien passé : j'ai pu assister à l'accouchement, raconte Hadrien, son conjoint. Pas mal de choses avaient été mises en place, notamment pour l'arrivée dans l'établissement".
D'abord, il leur a obligatoirement fallu se présenter avec un masque chacun. Ensuite, le couple a dû passer par la prise de température. "On nous avait bien prévenus que si j'avais de la fièvre, j'aurais interdiction d'entrer dans la clinique. J'ai eu de la chance, je n'en avais pas, donc j'ai pu accompagner ma conjointe", se remémore l'expert immobilier de 33 ans. La politique de l'établissement reposait sur les premières recommandations du CNGOF : le deuxième parent était autorisé, à condition qu'il ne sorte pas de la clinique durant le travail. "Ça a duré 15 heures, indique le jeune papa. Pendant ce temps, je n'ai rien pu manger, si ce n'est des friandises à la machine à café, car je n'avais pas le droit d'acheter de plateau-repas".
"À partir du moment où notre fille est née, je n'ai eu le droit de rester que 2 heures"
Par ailleurs, Clémentine et lui devaient porter un masque en permanence. "Quand on était seulement tous les deux dans la salle de travail, on l'enlevait, reconnaît Hadrien. On le remettait dès qu'un soignant venait, mais c'est arrivé que l'on se fasse réprimander parce qu'il nous arrivait d'oublier. Puis, à partir du moment où notre fille est née, je n'ai eu le droit de rester que 2 heures". Le jeune papa a dû rentrer chez lui et n'était pas autorisé à revenir à la clinique durant les trois jours pendant lesquels sa conjointe y est restée. "Je faisais le plus de visites en vidéo possible avec l'infirmière et elle", se remémore-t-il.
Si le jeune père a été très frustré de ne pas voir sa fille, le plus dur a été pour Clémentine. "Elle n'avait même pas droit à la visite de sa mère ni de ses frères et sœurs : pour elle, c'était assez horrible, déplore-t-il. Comme la plupart des femmes après l'accouchement, elle a eu une grosse chute d'hormones; elle s'est retrouvée à pleurer plusieurs heures, seule, dans une chambre dont elle n'avait pas le droit de sortir".
Un mois et demi après l'accouchement, Hadrien ne peut s'empêcher de retenir qu'il n'a pu soutenir sa conjointe, ni passer du temps avec sa fille juste après qu'elle soit née. "Mais je sais que j'ai été très chanceux de pouvoir être présent pour la naissance ; tous les parents n'y ont pas eu droit", conclut-il.