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Parlement

Devant la Commission d'enquête covid : "affaire" des masques et inquiétudes sur une "impréparation" face à une deuxième vague

Par Amanda Breuer-Rivera

Après avoir auditionné Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, la mission d'information parlementaire Covid munie des pouvoir d'une commission d'enquête a entendu cinq autres acteurs clefs de la gestion de la crise sanitaire. Parmi eux, le président du Conseil scientifique qui défend le recours au confinement.

JavierGil1000/iStock

C'est le début d'un long périple pour les membres de la mission d'information Covid de l'Assemblée nationale. Depuis ce mardi, les 32 parlementaires auditionnent responsables de santé publique, politiques et scientifiques. Leur but : comprendre. Parmi les zones d'ombre à éclaircir sur le sombre tableau de la gestion de crise française qui se solde par près de 30 000 décès -à la date d'aujourd'hui- , les députés entendent s'intéresser tout particulièrement sur la pénurie de masques au début de la crise, aux raisons du grand nombre de décès en Ehpadou et voir si le confinement aurait pu être évité avec un meilleure préparation.

Après une première audition du directeur général de la santé, Pr Jérôme Salomon, mardi dernier qui défendait son bilan davantage qu'il ne répondait aux questions, la mission d'information Covid-19, munie des prérogatives d'une commission d'enquête, a auditionné quatre autres responsables de santé publique en exercice ou leur prédécesseurs ainsi que des représentants du Conseil scientifique.

Parmi ces auditionnés certains ont partagé leurs interrogations et préoccupations, tandis que d'autres sont restés évasifs. C'est le cas de Geneviève Chêne, l'actuelle directrice générale de Santé publique France. Comme son directeur, Jérôme Salomon, elle assure avoir "trouvé une maison en ordre de marche" et, comme lui, elle a mis en avant les efforts déployés pour répondre à l'urgence sans expliquer la pénurie de masques. "On agit sur instruction du ministère," a-t-elle répondu, elle a cependant concédé en fin d'audition n’avoir découvert qu’en janvier - soit quelques semaines après sa nomination - n’avoir plus que 100 millions de masques conformes en réserve.

Coupes budgétaires et la "croyance" en la "non efficacité des masques"

Un discours très "prudent" mais compréhensible au vu de la quarantaine de plaintes déposées contre X notamment pour "mise en danger de la vie d'autrui" dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. Pourtant, son prédécesseur François Bourdillon, directeur de Santé publique France de 2016 à 2018, a été plus transparent . "Je pense qu'il y avait, dans le processus de décision, toute une série de personnes qui ne croyaient pas réellement à l'utilité des masques en population", a-t-il déclaré. Ceci expliquerait en partie la raison pour laquelle alors qu'il ne restait que 100 millions de masques chirurgicaux utilisables, seul 100 millions ont été commandé en 2019 malgré un audit de 2018 qui préconisait de constituer une réserve d'1 milliard de masques. François Bourdillon poursuit la mise en cause de son ancien supérieur devant les députés. Il affirme avoir, en septembre 2018, transmis cette préconisation à Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, en soulignant que l'état des stocks "ne permet(tait) pas une protection" du pays en cas d'épidémie. Il assure également lui avoir demandé une "doctrine" claire sur ce stock stratégique.

Il a aussi regretté face aux députés les coupes budgétaires auxquelles il a du faire face ainsi qu'aux suppressions d'emplois au sein de Santé publique France qui ont "dû jouer" et avoir un "impact" sur les missions de l’agence.

Confinement : "on n'avait pas le choix"

Le Conseil scientifique a également été convoqué devant les élus. "Le choix du confinement était pour nous imposé par la crise qui se préparait dans les services de réanimation, pointe Arnaud Fontanet épidémiologiste et membre du Conseil. Mais même les autres pays européens, qui n'étaient pas dans cette situation critique, ont fait le choix du confinement". "On n'avait pas le choix" a-t-il assuré en expliquant que les Français n'avaient - à l'époque - ni la "culture du port du masque", ni "l'hygiène des mains", ni les "moyens de suivi informatique" permettant le traçage des malades.

Pourquoi la France a près de 30 000 morts alors que l'Allemagne - plus peuplée que l'Hexagone - n'en décompte qu'un peu plus de 8 000 ? À cette question embarrassante, le virologue Bruno Lina assure que le système décentralisé outre-Rhin lui a permis d'être plus réactif. Mais la vraie différence semble être l'apport du virologue star, Christian Drosten, inventeur du premier test de diagnostic du Covid-19 et partisan d’une stratégie de dépistage massif, qui avait eu accès à des informations "précoces" ayant permis à l’Allemagne de mieux se préparer.

Le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil, et ses pairs ont profiter de cette tribune pour mettre en garde les députés sur le risque d'une deuxième vague. "Qu’est-ce qu’on va faire à la rentrée ? a-t-il déclaré. Il faut le préparer dès maintenant". Pour l'heure, les Françaises tendent à délaisser les masques et à oublier les geste-barrières un mois après le déconfinement. Le message de précaution de Jean-François Delfraissy riusque donc d'être difficilement audible d'autant plus que le Conseil Scientifique devrait être dissout le 9 juillet prochain. À trop chercher les "défaillances" passées, les députés oublieront-ils que la pandémie n'est toujours pas éteinte ?