Un océan nous sépare dans notre expérience de la Covid-19. Alors que les Français de métropole sortent librement quitte à délaisser les gestes-barrière, ceux de Guyane sont confrontés à leur première vague de malades. Entre le 11 et le 18 juin, le nombre de cas détecté a doublé en Guyane. En phénomène qui semble s'accélérer. "Un premier bond est visible à partir du 23 mai, soit 12 jours après la mise en œuvre des premières mesures de déconfinement en France (lundi 11 mai), explique la rédaction de France télévisions. Pour la première fois, le nombre de cas en 24h dépasse 30. Mais c'est à partir du mois de juin que le nombre de cas quotidiens s’envole, jusqu'à frôler 300 nouvelles contaminations ce dimanche."
Une situation préoccupante puisque Santé publique France a fait état, le 18 juin dernier, de 3 clusters hors de contrôle en Guyane et 12 en cours d'investigations. À ce jour, le département sud-américain compte 2 441 cas avérés depuis le 4 mars dont 97 hospitalisés, 14 en réanimation et 6 décès. Cependant cette collectivité territoriale a battu son record de contamination ce dimanche en enregistrant 278 nouveaux cas quotidien, dont 5 qui ont nécessité une hospitalisation.
Or la Guyane comptait 34 lits de réanimation avant la Covid-19. Dès lors, le risque de saturation a poussé les autorités à déclencher, le 15 juin dernier, le stade 3 de l'épidémie. Cela signifie que depuis deux semaines l’urgence est de soigner les personnes dans un état grave, et non plus d’identifier les malades.
Ce dimanche, un communiqué de presse de Matignon fait un constat d'impuissance : "malgré la mobilisation des services de l’État, des collectivités locales et des professionnels de santé depuis le début de la pandémie, la circulation du virus est très active." L'épidémie touche essentiellement les villes de la zone frontalière avec le Brésil - où l'épidémie semble hors de contrôle - ainsi que la zone côtière qui concentre le plus de population et l'activité économique du département. Cayenne (61 000 habitants, chef-lieu), Kourou (26 000 habitants, centre spatial) et Saint-Georges de l’Oyapock (4 000 habitants, à la frontière avec le Brésil) sont les villes les plus infectées.
L'hypothèse d'un deuxième confinement généralisé
Pourtant, sur décision du Préfet Saint-Georges de l’Oyapock et Camopi (également à la frontière brésilienne) ces régions n'ont pas été déconfinées le 11 mai dernier. Le 14 juin dernier, Marc Del Grande le préfet de région, a instauré un couvre-feu dans 16 des 22 communes du territoire avec interdiction de circuler la nuit. Ce couvre-feu a été renforcé le 21 juin, avec des plages horaires étendus à Kourou – qui présente le plus grand nombre de nouvelles contaminations- et Macouria, rapporte la rédaction de 1ère. Dorénavant, comme pour les résidents de Cayenne, Rémire-Montjoly et Matoury où le couvre-feu renforcé a été décrété vendredi dernier, les habitants de ces communes ne peuvent plus circuler de 19h (au lieu de 21 heures) à 5h en semaine, et le week-end de 15h (au lieu de 19h) à 5 h.
"On ne va pas fixer de date (pour un possible reconfinement, ndlr), a expliqué le préfet. D’abord on laisse les renforts arriver pour soutenir nos hôpitaux, pour soutenir les capacités de réanimation, a déclaré Marc Del Grande préfet de la région Guyane sur la plateau de 1ère. On s’adapte à la dynamique épidémique. Le moment venu, les décisions seront prises."
La décision de fixer un nouveau confinement devrait être "examinée" si les prochaines mesures décidées ne ralentissent pas la propagation exponentielle du virus.En plus de ce couvre-feu, Matignon prévoit davantage de distribution de masques en tissu et chirurgicaux, la poursuite du dépistage et sa surveillance. En même temps, le gouvernement renforce les services hospitaliers avec le renfort de 17 soignants de la réserve sanitaire nationale supplémentaires, d'équipes soignantes "pour accueillir des patients victimes de l’épidémie de dengue et de leptospirose" et l'installation d'un hôpital de campagne de la sécurité civile. L'armée de l'air est également mobilisée pour évacuer, si nécessaire, des malades vers les Antilles ou bien même la Métropole.
Si le premier cas de la Covid-19 en Guyane a été importé du rassemblement religieux de Mulhouse en février dernier, beaucoup de commentateurs soupçonnent un retour de l'épidémie via une frontière poreuse avec le Brésil. Faute de médicaments ou de vaccins, le respect des geste-barrières est à cette heure l'unique façon de limiter cette épidémie. La ministre des Outre-mer doit superviser le déploiement de ces mesures gouvernementales. Elle est attendue en Guyane ce mardi. L'état d'urgence sanitaire y est prolongé jusqu'au 30 octobre, le second tour des municipales est reporté sine die. La poussée de fièvre semble annoncée alors même que certains habitants endurent déjà plusieurs mois de confinement.