Alors que le monde entier est secoué par la pandémie de Covid-19 et que plusieurs pays sont obligés d'instaurer des périodes de confinement mettant en péril le bien-être de leur population ainsi que leur santé économique, une question est sur toutes les lèvres : quand bénéficierons-nous d'un médicament ou d'un vaccin contre le nouveau coronavirus ? Des centaines d'études sont menées partout sur la planète pour tenter de remporter la course à l'échalote et trouver LE remède à ce virus qui a déjà fait au moins 472 216 morts.
La mise sur le marché d'un médicament aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, pays le plus touché au monde avec 2 355 680 de cas confirmés et 122 132 décès à l'heure où nous rédigeons cet article, la réactivité de l'Agence américaine du médicament (FDA) pourrait être un obstacle à la mise sur le marché d'un éventuel traitement. Le professeur Francisco Polidoro Jr. de la McCombs School of Business de l'université du Texas, à Austin, a examiné les conditions de mise sur le marché de 291 médicaments ces 35 dernières années.
Il a découvert que plus il existait de données sur d'anciens médicaments déjà disponibles sur le marché pour une maladie, plus la FDA mettait du temps à valider la mise sur le marché d'un nouveau traitement pour cette même pathologie. “Parfois, la connaissance peut devenir un obstacle et l'excès d'une bonne chose peut devenir mauvais”, a-t-il commenté dans le Strategic Management Journal. Les délais seraient néanmoins plus courts lorsqu'il s'agit d'un traitement jugé “innovant”. Le professeur Francisco Polidoro Jr. définit un médicament innovant comme celui qui utilise un nouveau mécanisme d'action pour attaquer une maladie.
Le parcours d'une AMM à la française
Face à ces données relatives à la mise sur le marché d'un médicament aux Etats-Unis, Pourquoi docteur s'est interrogé : qu'en est-il en France ? Chez nous, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) joue un rôle central dans l'attribution d'une Autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un nouveau médicament. “Le développement d’un médicament, de la molécule à sa commercialisation, nécessite dix à quinze ans de recherche. Ces travaux, tests précliniques, essais cliniques et de développement industriel, sont strictement encadrés par la loi”, explique-t-elle sur son site.
Pour mener un essai clinique, les chercheurs doivent avant tout obtenir l'autorisation de l'ANSM qui vérifie les lieux où seront menés leurs travaux ainsi que les “modalités des tests de tolérance, effectués sur des sujets volontaires non malades, puis sur un nombre restreint de malades et sur des centaines de malades voire des milliers”. L'AMM est ensuite délivrée par les autorités compétentes européennes (Commission européenne, après avis de l’EMA) ou nationales (ANSM).
Dans le cas d'une demande de mise sur le marché limitée au territoire national par exemple (procédure qui ne s'applique qu'à peu de médicaments), l'ANSM évalue le produit selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité : “Le nouveau produit doit présenter un rapport bénéfice/risque au moins équivalant à celui des produits déjà commercialisés”. Après l’évaluation scientifique du rapport bénéfice/risque, le dossier passe devant les commissions de l'Agence qui peuvent donner un avis favorable, demander un complément d'information ou délivrer un avis défavorable. C'est ensuite au directeur de l'ANSM que revient la décision finale.
Dans le cas d'un médicament innovant ou destiné à plusieurs Etats membres de la Communauté européenne (procédure la plus courante), on optera alors pour trois procédures dites “communautaires”, comme le détaille l'Anses :
- la procédure de reconnaissance mutuelle qui permet d’obtenir des AMM identiques dans plusieurs Etats membres à partir d’une première AMM obtenue dans un Etat membre (qui devient Etat membre de référence)
- la procédure centralisée qui permet d’obtenir une seule AMM valable dans tous les Etats membres de l’Union européenne. Elle est obligatoire pour les médicaments biotechnologiques et optionnelle pour les médicaments innovants.
- la procédure décentralisée a pour but d’autoriser un nouveau médicament dans plusieurs Etats membres européens en même temps. Il n’y a pas d’AMM préexistante en Europe. Un des Etats membres est choisi par le demandeur pour agir en tant qu’Etat membre de référence (EMR).
En Europe, en procédure centralisée, le délai pour obtenir une AMM est généralement de 210 jours. Comme le souligne le gouvernement, celle-ci doit s'accompagner :
- du résumé des caractéristiques du produit (RCP) qui précise notamment : la dénomination du médicament, la composition qualitative et quantitative, la forme pharmaceutique, les indications thérapeutiques validées, les contre-indications, les précautions d’emploi, les effets indésirables…
- de la notice pour le patient qui présente l’essentiel des informations du RCP dans un vocabulaire plus accessible
- de l’étiquetage qui comprend notamment des informations nécessaires pour identifier le médicament (nom du médicament et de la substance active, dosage, forme pharmaceutique…, d’autres informations concernant son utilisation (date de péremption, conditions de conservation, pictogrammes conduite automobile…)
Exceptionnellement, certains médicaments peuvent faire l’objet d’une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU), comme c'est le cas pour le baclofène dans le traitement de l'alcoolisme. L'ATU est destinée “à traiter des maladies graves ou rares, en l’absence d’autre traitement approprié, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut être différée”. Qu'il bénéficie d'une AMM ou d'une ATU, une fois commercialisé, le médicament reste sous surveillance. En cas de risque pour la santé, “un médicament peut se voir appliquer une décision de police sanitaire prenant la forme d’une restriction ou d’une modification des indications” ou être retiré du marché, spécifie l'ANSM.