La mode du gaz hilarant ne faiblit pas. Alors que les autorités sanitaires alertent depuis des mois contre les dangers du protoxyde d’azote, depuis le déconfinement, sa consommation explose chez les jeunes. Ces derniers transfèrent généralement le gaz, notamment présent dans les cartouches utilisées pour les siphons à crème chantilly, dans un ballon de baudruche avant de l'inhaler. Survient alors une sensation d’ivresse et un irrépressible fou rire qui séduit les fêtards. Depuis quelques semaines, les riverains de nombreuses villes de France, dont Paris, Bordeaux, Nantes, Nice ou Marseille, se plaignent et s’inquiètent du nombre de cartouches retrouvées dans les rues ou même dans les jardins d’enfants. A tel point que le 8 juin, la préfecture des Alpes-Maritimes a publié une mise en garde sur Twitter.
“Même en période de déconfinement, il ne faut pas confondre moments de loisirs festifs et mise en danger. Des signalements provenant des services de police et de gendarmerie font état d’une recrudescence de l’usage détourné de cartouches de protoxyde d’azote. Aussi, dans notre département, la préfecture tient à mettre en garde sur les dangers de cette pratique”, alerte ainsi la préfecture.
Si elle provoque des fous rires, l’inhalation incontrôlée du protoxyde d’azote, très facilement disponible dans le commerce, peut entraîner de nombreuses complications. Parmi elles, une asphyxie par manque d’oxygène, des pertes de connaissance, des brûlures par le froid du gaz expulsé de la cartouche, des vertiges, ou encore des chutes.
Perte de mémoire, troubles de l'humeur, du rythme cardiaque, hallucinations...
Les personnes qui en inhalent à forte dose risquent même une atteinte de la moelle épinière, une carence en vitamine B12, de l’anémie et des troubles psychiques. Quant aux consommateurs réguliers, ils s’exposent à un risque de perte de mémoire, de troubles de l’érection, de l’humeur (paranoïa), du rythme cardiaque, d’hallucinations, ou encore à une baisse de la tension artérielle. Les risques sont bien évidemment majorés quand cette pratique est associée à la consommation d’alcool ou de drogues. Plus inquiétants encore, les troubles peuvent apparaître plusieurs mois après l’utilisation du gaz hilarant. Ils sont toutefois le plus souvent réversibles à l’arrêt total de la consommation et grâce à un traitement à base de vitamine B12.
Depuis le début de l'année, en France, “25 signalements d'effets sanitaires sévères” ont été enregistrés, dont 10 cas “graves avec des séquelles pour certains”, telles des paralysies des membres à des degrés divers, alertait en décembre Valérie Létard, sénatrice du Nord, région très touchée par ce phénomène. En effet, huit de ces cas graves ont eu lieu dans les Hauts-de-France.
“Il faut en finir avec la notion de gaz hilarant, car ses effets sur la santé n'ont pas de quoi faire rire”, interpellait quant à elle la centriste Jocelyne Guidez. Au Royaume-Uni, où la consommation de gaz hilarant est popularisée depuis plus longtemps, “30 décès ont été enregistrés depuis 2001”, s’inquiétait Valérie Létard.
Interdire la vente de protoxyde d'azote aux mineurs, y compris sur Internet
Si cette la mode est relativement récente en France, la consommation de gaz hilarant en soirée n’a rien de nouveau. “Dès 1999, on observait des consommations dans les free parties. Après une période où sa présence décline, le protoxyde d'azote est redevenu à la mode à partir de 2010. On l'a retrouvé dans les fêtes techno alternatives”, explique Clément Gérôme, sociologue à l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), à Slate.
Pour contrer la tendance, après avoir alerté de ses risques dans un communiqué, le gouvernement a pris les choses en main. En décembre, le Sénat a ainsi adopté une proposition de loi transpartisane visant à interdire la vente de protoxyde d’azote aux mineurs (d’après un reportage de LCI, certains en consommeraient dès l’âge de huit ans), y compris sur les sites de commerce en ligne. Le non-respect de cette interdiction sera puni d’une amende de 3 750€. En outre, les industriels devront indiquer la dangerosité du produit sur l’emballage. Le texte adopté en commission prévoit par ailleurs de pénaliser l’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante comme celui-ci pour en obtenir des effets psychoactifs et d’accompagner la politique de prévention menée à l’école.