"Il y a un triple déni face à la souffrance des entrepreneurs, celui de leurs organisations professionnelles, celui du monde de la santé qui la méconnait et celui des entrepreneurs eux-mêmes". C'est ce constat qui a amené Marc Binnié à fonder le dispositif APESA qu'il préside. Par esprit de solidarité, mais aussi par souci d'efficacité : " Pour avoir une économie en forme, il faut des entrepreneurs en forme !", insiste ce greffier associé du tribunal de commerce de Saintes. Un tribunal un devant lequel arrivent les chefs d'entreprises en difficultés, ce qui en fait un bon observatoire de ce que peut être la détresse patronale, financière ou morale.
Avec l'aide de plus d'un millier de psychologues en France, APESA qui bénéficie du soutien financier du groupe VYV a mis en place ce réseau pour soutenir tous ceux qui, malgré leur esprit d'entreprise, finissent par "craquer" face aux difficultés. Et la crise sanitaire avec les huit semaines de confinement et la mise à l'arrêt imposée à de nombreuses activités a lourdement frappé ces petits patrons dans le commerce, la restauration, l'événementiel, le monde des loisirs ou de la culture, dans tous ces secteurs qui, sans la moindre anticipation possible, ont vu leur "business" s'effondrer du jour au lendemain.
Un numéro vert mis en place pour la crise sanitaire
Et au même moment, tous ceux qui sont habituellement à leurs côtés pour les aider, les soutenir, ou alerter sur leur détresse, experts-comptables, juges des tribunaux de commerce notamment, ont vu leurs capacités d'intervention se réduire fortement. "Ces sentinelles ont quasiment disparu lorsque la crise s'est déclenchée", explique Marc Binnié. Dans ce contexte, APESA a dû réagir dans l'urgence en mettant en place un numéro vert dédié aux chefs d'entreprises pour, non seulement pour leur apporter toutes les informations pratiques sur les mesures liées à ce contexte très particulier, mais surtout pour compenser cette absence des "sentinelles".
Résultat, plus de 550 appels reçus en deux mois et près de 300 chefs d'entreprises pris en charge. Faute de pouvoir recevoir physiquement les petits patrons malmenés par la crise, les psychologues sont le plus souvent intervenus en visio-conférence. Une disponibilité qui a porté ses fruits. "Un entrepreneur a appelé un conseiller d'une chambre de commerce juste avant un des longs week-ends du mois de mai, raconte Marc Binnié, et nous avons insisté auprès de ce conseiller pour qu'il ne laisse pas passer le temps de ce week-end de pont avant de rappeller ... il y a parfois des urgences quasi-vitales et nous lui avons expliqué que s'il ne le faisait pas pour son interlocuteur, il devait le faire pour lui afin d'éviter d'avoir un éventuel drame sur la conscience. Depuis, le témoignage de ce conseiller a été intégré dans les formations comme un exemple du rôle des sentinelles".