- Certains médicaments communément utilisés dans les services de psychiatrie auraient un effet protecteur contre le Covid-19.
Les psychotropes et les antihistaminiques ont-ils le pouvoir de protéger contre une infection au SARS-CoV-2 ? C’est ce qu’avance une équipe de chercheurs et cliniciens de l’Inserm, de l’AP-HP, des universités de Lille, Paris, Paris-Est Créteil et de la Fondation FondaMental. Dans une étude publiée dans la revue Drug Discovery Today, ils expliquent que certains médicaments communément prescrits en psychiatrie, comme les psychoactifs (antipsychotiques, antidépresseurs, anticonvulsivants), les psychostimulants et les antihistaminiques auraient un effet protecteur contre l’infection au nouveau coronavirus.
18 psychotropes identifiés
Comment les chercheurs ont-ils fait cette découverte ? Ils expliquent qu’au début de l’épidémie, ils ont “intuitivement pensé que les patients souffrant de troubles mentaux couraient un risque accru d'être infectés : non-respect des mesures de protection, retard dans l'accès aux services de santé dû à la discrimination sociale, confinement dans des unités psychiatriques favorisant la propagation des infections, et une forte prévalence de comorbidités à haut risque (diabète, troubles cardio-vasculaires, obésité)”. Or, bien que des unités spécialisées Covid-19 soient dédiées aux patients psychiatriques, celles-ci sont “restées presque vides pendant la période de confinement”. Ce qui suggère, selon l’équipe de chercheurs, “que ces patients, sous surveillance médicale, pourraient présenter un risque réduit d'infection par le SARS-CoV-2. Cela a soulevé une question intéressante : le traitement pharmacologique de ces patients joue-t-il un rôle dans l'effet protecteur observé ?”
Pour le savoir, les chercheurs ont d’abord identifié les 18 médicaments les plus couramment utilisés chez les patients présentant des troubles mentaux et qui ont été hospitalisés ou suivis dans le service psychiatrique de l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil, de 2019 à avril 2020. Il s’agit d’antidépresseurs, d’antipsychotiques, d’anxiolytiques, de régulateurs de l'humeur, d’antihistaminiques et de nicotine, prescrite en sevrage anti-tabac.
Les mêmes molécules que la chloroquine
Après analyse des molécules des médicaments, les chercheurs ont constaté que ces psychotropes possèdent une activité antivirale in vitro. La raison selon eux : leur composition, qui comprend des composés amphiphiles cationiques (CAD) qui sont connus pour perturber le trafic intracellulaire et/ou des PLD, c’est-à-dire des phospholipidoses. Les chercheurs rappellent ainsi que “la chloroquine et de l'hydroxychloroquine antipaludiques très controversées” sont également des composés CAD et PLD.
“On a retrouvé dans la littérature scientifique que soit elles ont de fait une activité antivirale, soit elles empêchent le virus de rentrer, et perturbent le trafic du virus dans les cellules. Toutes ces actions là pourraient être impliquées dans un effet protecteur contre l'entrée du virus dans les cellules”, explique à France Inter la professeure Marion Leboyer, psychiatre à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil et directrice de la fondation FondaMental.
“Nous proposons que certains des médicaments couramment prescrits aux patients psychiatriques pourraient les protéger de l'infection par le SARS-CoV-2”, concluent les chercheurs. D’autres tests sont actuellement en cours pour identifier et tester les molécules in vitro et en milieu clinique, avant le lancement de potentiels essais cliniques sur l’humain.