Touchant près de 900 000 personnes en France, la maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante de démence liée à l’âge. Encore incurable à l’heure actuelle, cette maladie neurodégénérative entraîne de manière lente, progressive et irréversible un dysfonctionnement, puis la mort des cellules nerveuses du cerveau.
En cause deux phénomènes. D’abord la formation de plaques amyloïdes dans le cerveau. Responsables de l’altération des fonctions mentales des malades, elles s’accumulent de manière anormale au niveau des neurones, entraînant de manière progressive et irrémédiable des lésions cérébrales. Suivent ensuite des enchevêtrements neurofibrillaires qui obstruent l'intérieur des neurones, en particulier ceux du cortex entorhinal, responsables de la formation des souvenirs et de la mémoire.
Des anomalies génétiques
Jusqu’à présent, les chercheurs ignoraient les raisons pour lesquelles les neurones de la mémoire étaient particulièrement vulnérables aux enchevêtrements neurofibrillaires. “Nous avons accumulé une énorme connaissance des mécanismes qui produisent les plaques amyloïdes, explique Jean-Pierre Roussarie, associé de recherche principal au sein du laboratoire de neurosciences moléculaires et cellulaires de Paul Greengard. Mais ce qui se passe en aval de l'accumulation amyloïde, et comment ces plaques déclenchent des enchevêtrements neurofibrillaires dans les neurones vulnérables, est resté une énigme.”
Dans la revue Neuron, une équipe de l’université Rockfeller, à New York (Etats-Unis) explique avoir peut-être trouvé la réponse. Ils ont mis au point une technologie appelée BacTRAP qui permet de cataloguer les protéines au sein de populations spécifiques de neurones chez la souris.
Il s’agit d’une microdissection de neurones qui a permis aux chercheurs d'isoler les neurones vulnérables et d'analyser comment ils diffèrent génétiquement des cellules cérébrales plus résistantes. Une équipe de l'université de Princeton, dirigée par Olga Troyanskaya, a ensuite conçu des algorithmes informatiques pour aider l'équipe à se concentrer uniquement sur les anomalies génétiques susceptibles d'être les plus pertinentes pour la neurodégénérescence.
“L'objectif était de former une vue d'ensemble, plutôt qu'une liste de gènes, explique Marc Flajolet, co-auteur de l’étude. Ce n'est qu'au moyen de ces cadres d'analyse de données sophistiqués que l'on peut aller au fond de quelque chose d'aussi compliqué que la cascade neurodégénérative de la maladie d'Alzheimer.”
L’espoir de nouveaux traitements
Les résultats ont ainsi mis en évidence une série de gènes probablement impliqués dans le fait que les neurones du cortex entorhinal sont des cibles faciles pour la dégénérescence. L’un d’eux, produit par la protéine PTBP1, joue aussi un rôle majeur dans les premiers stades de la maladie d’Alzheimer. “Une fois que nous aurons trouvé ce qui rend les neurones plus vulnérables, cela pourra conduire à de multiples avenues pour diminuer leur vulnérabilité”, explique le professeur Roussarie.
Selon ce dernier, cette découverte pourra conduire à la mise au point de nouvelles stratégies de prévention et de traitement ciblant spécifiquement les enchevêtrements neurofibrillaires. “La diversité des neurones n'était tout simplement pas prise en compte auparavant. Beaucoup de gens étudient les enchevêtrements neurofibrillaires, mais ce n'est que maintenant que nous commençons à les aborder à travers le prisme de la vulnérabilité des neurones”, conclut Jean-Pierre Roussarie.