- La hausse des décès est deux fois plus forte pour les personnes nées à l'étranger que pour celles nées en France en mars-avril 2020 par rapport à la même période l'an dernier.
- Les régions Île-de-France et Grand Est sont les plus touchées.
- L'environnement des personnes et la précarité sont les principaux facteurs expliquant cette disparité.
La mortalité liée au Covid-19 a davantage touché les personnes nées à l’étranger et résidant en France que celles nées sur le territoire national. C’est la conclusion d’une nouvelle étude de l’Insee dévoilée mardi 7 juillet, et qui s’intéresse au nombre de décès survenus sur le territoire français pour la période mars-avril 2020.
Toutes causes confondues, l’institut statistique enregistre une nette hausse (+25%) des décès cette année par rapport à l’an dernier : 129 000 contre 102 800.
Une surmortalité qui coïncide évidemment avec la pandémie de Covid-19, mais qui se révèle toucher davantage les personnes nées à l’étranger. Ainsi, si la hausse des décès pour les personnes nées en France est de +22% par rapport à la même période l’an dernier, elle est de +48% chez les personnes nées en dehors de nos frontières.
Des disparités régionales
La hausse des décès a été particulièrement forte pour les personnes nées en Afrique : + 54% pour les décès de personnes nées au Maghreb (8 300 décès pour la période mars-avril 2020 contre 5 400 en 2019), + 114% pour celles nées dans un autre pays d’Afrique (2 000 décès contre 900 l’an dernier), ainsi que celles nées en Asie (+91%), soit 1600 décès contre 800 en 2019. Le pic des décès a été atteint fin mars-début avril, au même moment quel que soit le pays d’origine des personnes décédées.
L’Insee note aussi de fortes disparités régionales. Ainsi, l’Île-de-France ayant été pendant plusieurs semaines l’épicentre de l’épidémie en France, il n’est pas surprenant que la région soit aussi celle qui enregistre la plus forte hausse des décès : +92% en mars-avril 2020. Comme le précise l’Insee dans son rapport, un tiers des personnes nées au Maghreb et la moitié des personnes nées dans un autre pays d’Afrique ou en Asie résident en Île-de-France, tandis que les personnes nées en France sont 16% à résider dans cette région. Si, pour les personnes nées en France, 37% de l’excédent des décès observé en mars-avril 2020 comparativement à la même période en 2019 revient à l’Île-de-France, c’est 58% pour les personnes nées au Maghreb, 85% pour celles nées dans un autre pays d’Afrique et 79% pour celles nées en Asie.
Autre région fortement touchée : le Grand Est, où la hausse des décès en mars-avril 2020 par rapport à mars-avril 2019 a atteint 120% pour les personnes nées au Maghreb et 121% pour l’ensemble des personnes nées en Afrique ou en Asie, contre 52% pour celles nées en France, soit un écart plus important qu’en Île-de-France."
L’âge et la précarité comme facteurs de mortalité
Comment expliquer de telles disparités parmi les profils des décédés ? Pour l’Insee, “l’environnement des personnes (conditions de logement, utilisation des transports en commun, profession exercée, etc.) a sans doute joué un rôle dans l’ampleur de la hausse des décès pendant la pandémie et sur les possibilités de distanciation physique. Or, des différences existent selon le pays de naissance des personnes.”
Davantage touchées par la précarité (un logement plus petit, un usage plus important des transports en commun) ont défavorisé les personnes nées au Maghreb, celles nées dans d’autres pays d’Afrique et originaires de pays asiatiques.
Par ailleurs, les personnes nées en Afrique sont parmi les plus exposées au risque de contamination en raison de leur métier, celles-ci faisant partie des “travailleurs clés” pendant le confinement : les personnels de santé, les aides-soignants, les pharmaciens, les ambulanciers, les personnels de la Poste, des forces de l’ordre, des transports publics, les pompiers, les personnes travaillant dans la vente de produits alimentaires, les livreurs, les buralistes ou encore les agents de nettoyage. Selon l’Insee, 14% des personnes en emploi et nées dans un pays du Maghreb et 15 % de celles nées dans un autre pays d’Afrique sont des “travailleurs clés”, contre 11% parmi celles nées en France ou celles nées en Asie (12%).
Enfin, l’étude montre que si les personnes de plus de 65 ans nées à l’étranger figurent en première ligne des victimes de la Covid-19, et ce tout pays de naissance confondu, les moins de 65 ans nés à l’étranger ont davantage été touchés que ceux nés en France. Ainsi, le nombre de décès de personnes de moins de 65 ans a a bondi de 30 % entre mars-avril 2019 et mars-avril 2020 pour les personnes nées dans un pays du Maghreb et de 96 % pour celles nées dans un autre pays d’Afrique, alors qu’il est quasiment stable pour les personnes nées en Europe (+3 % pour les personnes nées en France).