Écoute de soi, connexion à son corps, notion de "manger-bouger plaisir"… Pour garder la ligne comme pour mincir, la diététicienne nutritionniste Hélène Lemaire prône une alimentation sans privations. Les clés : savourer, stimuler ses papilles gustatives, s'assurer de manger lorsque l'on a faim et ne pas hésiter à sauter un repas le cas échéant. L'experte livre à Pourquoi docteur le secret de l'équilibre alimentaire.
Pourquoi docteur : Quelle approche adopter pour garder la ligne, voire perdre du poids ?
Hélène Lemaire : Il faut se reconnecter à ses sensations alimentaires. Cela passe par le fait de manger en pleine conscience, dans certaines conditions, en étant assis et sans rien faire d'autre : sans livre, sans écran. Surtout, on doit mastiquer et déguster ; ça s'apparente presque à de la méditation. Cela permet de vérifier que l'on a faim : c'est le cas si on ressent du plaisir aux premières bouchées, qui sont les meilleures. Ensuite, le plaisir gustatif diminue progressivement jusqu'à ce que la bouchée n'ait plus de gout. C'est le premier signe du rassasiement ; il s'agit de la régulation naturelle.
Si on regarde un écran, que l'on lit ou que l'on travaille, on n'est absolument pas connecté aux papilles gustatives et on tombe dans le plaisir de remplissage : on mange plus et ce n'est pas régulateur. Pendant le confinement, c'est ce qu'il s'est passé. Je le vois avec la reprise des consultations : beaucoup ont mangé davantage pour compenser car ils se sentaient moins bien que d'habitude. En général, mes patients ont pris autour de 3 kilos, mais il ne faut pas déprimer ; ça se corrige en se reconnectant.
Après les effets du confinement, comment rééduquer son corps ?
Ce qui est bien avec le confinement, c'est que pas mal de personnes ont fait du yoga et du Pilate, qui vont dans le sens du ressenti du corps. Par exemple, avant de manger, il faudrait faire 3 minutes de respiration profonde. Je sais que c'est facile à dire mais pas à mettre en place : chacun doit être patient, d'autant que ça peut ne pas marcher du premier coup, mais ça marche. C'est une rééducation, un réapprentissage.
Pour y aller progressivement, il convient d'abord d'essayer de se reconnecter au niveau d'un repas comme le petit-déjeuner car il n'y a pas trop de stress le matin : on sort d'une nuit de sommeil. Si l'on commence à manger sa tartine et à se dire qu'elle n'est pas si bonne, c'est que l'on n'a pas faim. La clé est de déguster, de se connecter sur le goût. Cela prend du temps pour que les papilles gustatives se rééduquent.
Souvent, quand on mange un aliment, on part du principe qu'il est bon, comme pour le chocolat, par exemple. Ainsi, lorsque j'organise des dégustations, on me dit souvent : 'Vous voyez cette tablette, je pourrais la manger en entier'. Mais, lorsque l'on commence à déguster, en prenant 10 minutes pour un premier gros carré, les gens se rendent comptent qu'ils ont moins envie d'en manger.
De quoi est constituée une alimentation saine ?
Une alimentation saine est à base végétale : elle doit être constituée à plus de 50% de fruits, légumes, céréales et légumineuses. À cela s'ajoute le bon gras comme l'huile d'olive, les amandes, les noix et le poisson. On peut également consommer de la viande et du fromage éventuellement, mais pas en trop grande quantité.
Quoiqu'il en soit, pour maigrir, il faut manger des féculents, du gras et des sucres complexes. Normalement, on dit aux personnes qui souhaitent perdre du poids de ne pas manger de pâtes, ni de riz, mais c'est faux. Les féculents et les bonnes huiles permettent de se rassasier plus facilement et d'éviter de craquer.
Faut-il se baser sur un nombre de kilocalories ?
Peu importe ce que l'on mange, si on a faim pour 700 kilocalories, le corps ne réclamera ni plus ni moins. Ainsi, on peut manger du confit de canard, des pâtes ou de la pizza, mais si on est connecté on ne mangera que ce dont on a besoin. Il ne faut pas se dire : 'Je vais manger une pizza' car, même en étant bien réglé, on n'anticipe jamais pour quelle quantité on va manger.
Tous les calculs de kilocalories relèvent du n'importe quoi : il y a une moyenne d'apport énergétique pour la population française, mais, au jour le jour, c'est faux. Il y a des journées où l'on peut avoir très faim et d'autres pas du tout, car l'énergie dont le corps a besoin dépend de certaines cellules qui se renouvellent.
Quand on est à l'écoute de son corps, on le nourrit au jour le jour et on ne se prend pas la tête. On n'a pas la sensation de privation, ce qui peut être déroutant. Des patients me disent : 'Ce n'est pas possible, je ne peux pas perdre de poids, je ne me suis pas privé'. Toutes les maladies métaboliques sont liées à la surabondance car on n'est pas fait pour, d'où le fameux 'manger-bouger' : se dépenser est indispensable pour la gestion du stress. C'est lui qui perturbe le ressenti des sensations.
La notion de "manger-bouger" peut-elle être associée à celle de plaisir ?
Perdre du poids passe aussi par une activité physique plaisante. Il ne s'agit pas de faire du sport pour faire du sport. Si on n'aime pas ça, il vaut mieux marcher régulièrement plutôt que se forcer à aller à la salle, à faire de la boxe ou du vélo. On peut aussi faire une activité physique douce comme le yoga ou le Pilate, ou opter pour des danses de salon ou de la zumba. Le principal est de s'éclater. Il y a déjà tellement de contraintes dans la vie qu'il faut choisir des loisirs qui en sont exempts.
C'est pour cela que ceux qui préfèrent faire de la sculpture, de la peinture, de la poterie ou encore du chant, qui est génial pour la respiration, doivent vraiment marcher. Il faut prendre l'habitude de faire ses courses à pied et acheter une charrette, par exemple. On a deux jambes, il faut que notre corps bouge tous les jours. Le muscle est le contrepoint du nerf : pour calmer l'aspect nerveux, le coté physique est important. Il faut seulement que ce soit agréable.
Concrètement, quels sont les effets de la marche sur le corps ?
En dehors des cas pathologiques, on est tous capable de marcher mais on en a perdu l'habitude. Plein d'études ont montré qu'une marche juste après le repas permet de baisser la glycémie et de réguler, voire de faire disparaître, le diabète : cela concerne toutes les maladies métaboliques.
La marche utilise les nutriments et les lipides que l'on a ingérés et permet une meilleure entrée du glucose dans les cellules ; ainsi, il ne se transforme pas en gras. Par ailleurs, il a déjà été montré dans une étude que 40 à 45 minutes de marche à une intensité moyenne faisaient perdre autant de poids que 15 minutes de vélo d'appartement.