Si l'écoute de soi est indispensable pour réguler son comportement alimentaire, la diététicienne nutritionniste Hélène Lemaire est catégorique : le mot d'ordre est le plaisir. Outre le fait de déguster sa nourriture, l'experte considère qu'il est normal de chercher à compenser les émotions négatives en mangeant. Pour elle, le principal est de se déculpabiliser.
Qu'est-ce qui peut être problématique avec l'idée de “faire un régime” ?
Le mot ‘maîtrise’ me fait dresser les cheveux sur la tête, car il ne faut pas essayer de contrôler son poids : ce qui est important, c'est que l'on est pleinement responsable de son comportement alimentaire. Normalement, quand on écoute nos sensations, on mange quand on a faim et on s'arrête lorsqu'on est rassasié. Il s'agit d'un acte volontaire : si on n'a pas faim, on peut très bien décider de ne pas manger, et l'inverse est réciproque. Ce qui crée des problèmes est de ne pas s'écouter, car on n'est plus en phase avec ses sensations alimentaires.
S'écouter peut-il être synonyme de se faire plaisir ?
Oui, plus c'est bon, moins on mange. Par exemple, si l'on va en vacances dans des régions de France où il y a des bons produits, comme le confit de canard ou la saucisse de Morteau, il faut en profiter tant que l'on déguste. Par ailleurs, se faire plaisir en s'offrant une glace dans l'après-midi permet de manger moins ou pas du tout le soir : ce n'est pas grave si on s'écoute.
En revanche, j'insiste beaucoup sur la qualité des aliments : les produits ultra transformés sont plein de mauvais gras et sucres. Cela fait un cocktail qui stimule les récepteurs de la dopamine (une des ‘hormones du bonheur’,NDLR). Le problème, c'est que l'on n'arrive pas à s'arrêter : avec le circuit de la récompense, on trouve toujours ces aliments bons car ils sont addictifs. On n'aura jamais cette sensation avec des produits simples et non-transformés.
Comment ne pas culpabiliser lorsque l'on mange sans avoir faim ?
On compense les émotions négatives en mangeant ; c'est un mode de régulation normal. Le tout, c'est d'en être conscient pour ne pas culpabiliser. Cela passe par se dire : ‘Je n'ai pas faim mais je suis contrarié ou je m'ennuie donc je mange car cela va me détendre’. Dans ce cas, il ne faut pas se dire : ‘Pour compenser, je ne mangerai pas ce soir’, car il y a une notion d'interdiction, donc de privation, puis de frustration, qui donne envie de manger. Il vaut mieux attendre le repas suivant et ne pas manger si l'on voit sur le moment que l'on n'a pas faim.
Cela vaut aussi pour l'alimentation plaisir en vacances, comme quand on mange une crêpe, une gaufre ou une glace dans l'après-midi: si on laisse les choses venir, on n'aura sûrement pas envie d'un plat de pâtes ou de lasagnes ensuite. C'est comme l'apéritif : c'est le fait de faire un repas derrière sans avoir faim qui fait grossir.
La gourmandise est-elle vraiment “un vilain défaut” ?
On a un mode de pensées restrictif, avec une influence des religions : la gourmandise est considérée comme un péché. On se culpabilise alors qu'il faut aller vers ce qui est bon, se faire plaisir, mais dans les conditions qui permettent d'en profiter. Quand des patients me disent qu'ils ont un problème parce qu'ils sont gourmands, je leur réponds qu'au contraire, c'est la solution, car ils savourent et dégustent.
Mincir ou maintenir son poids n'est pas une question d'aliments mais de quantité. Les personnes qui font des régimes et mangent un saladier entier de carottes râpées sans rien d'autre ont l'impression d'avoir l'estomac rempli, mais ça ne remplacera pas un plat de pâtes ou de riz, donc elles auront faim une heure après. L'estomac a besoin d'énergie, pas d'un volume. Si on a du poids à perdre, comme le corps est programmé pour redescendre, il nous demandera moins et c'est là qu'il faudra l'écouter : les gens ont peur de s'arrêter de manger à la moitié de leur assiette ou de sauter un repas, mais ce sont les besoins du corps qui priment.