Non seulement impliqués dans le développement de problèmes de santé et responsables de la pollution durable de l’air et des sols, les pesticides peuvent aussi accélérer la contamination des points d’eau douce par des agents pathogènes, et plus particulièrement du schitosome, un ver parasitaire responsable d’une maladie infectieuse chronique, la schistosomiase. C’est ce que révèle une étude menée par l'université de Berkeley (Etats-Unis) et publiée dans la revue Lancet Planetary Health.
Une amplification de la transmission
La schistosomiase se produit lorsque les larves du schitosome, un ver plat parasite, sont libérées par des mollusques d’eau douce, et pénètrent dans la peau d’une personne lorsqu’elle est en contact avec une eau infestée. L'infection, qui peut provoquer des lésions hépatiques et rénales à vie, a touché selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) près de 206,5 millions de personnes en 2016. La schistosomiase se classe au deuxième rang des maladies parasitaires, après le paludisme, en termes de conséquence globale sur la santé humaine.
Selon les auteurs de l’étude, les produits agrochimiques peuvent augmenter la transmission du ver schistosome de multiples façons : en affectant directement la survie du parasite aquatique lui-même, en décimant les prédateurs aquatiques qui se nourrissent des escargots porteurs du parasite et en modifiant la composition des algues dans l'eau, qui constitue une source de nourriture importante pour les escargots.
“Nous savons que la construction de barrages et l'expansion de l'irrigation augmentent la transmission de la schistosomiase dans les milieux à faibles revenus en perturbant les écosystèmes d'eau douce, explique Christopher Hoover, doctorant en sciences de la santé environnementale et auteur principal de l'étude. Nous avons été choqués par la force des preuves que nous avons trouvées liant également la pollution agrochimique à l'amplification de la transmission de la schistosomiase.”
Les conclusions de l’étude sont d’autant plus parlantes qu’elles interviennent en pleine pandémie mondiale de Covid-19, une maladie zoonose causée par un agent pathogène issu de la faune sauvage.
Des conséquences considérables en Afrique de l’Ouest
Pour établir quelles répercussions avaient les pesticides utilisés en milieu agricole sur le développement du schitosome, les chercheurs ont rassemblé et analysé près de 1 000 études antérieures. Ils ont identifié 144 expériences ayant fourni des données reliant les concentrations de produits agrochimiques aux composants du cycle de vie du schistosome. Ils ont ensuite intégré ces données dans un algorithme qui saisit la dynamique de transmission du parasite par rapport aux concentrations de produits agrochimiques communs. Il estime ensuite leur influence sur les infections dans la population humaine avoisinante.
Les chercheurs ont alors découvert que même de faibles concentrations de pesticides courants — dont l'atrazine, le glyphosate et le chlorpyrifos — peuvent augmenter les taux de transmission et interférer avec les efforts de contrôle de la schistosomiase. C’est particulièrement le cas dans le fleuve Sénégal, en Afrique de l’Ouest, où l’utilisation des produits agrochimiques est en expansion.
“Nous devons élaborer des politiques qui protègent la santé publique en limitant l'amplification de la transmission de la schistosomiase par la pollution agrochimique, affirme le Dr Hoover. Si nous pouvons trouver des moyens de maintenir les avantages agricoles de ces produits chimiques, tout en limitant leur utilisation excessive dans les zones où la schistosomiase est endémique, nous pourrions prévenir des dommages supplémentaires à la santé publique au sein des communautés qui connaissent déjà une charge de morbidité élevée et inacceptable”, a-t-il conclu.