Faut-il profiter des vacances d'été pour travailler sur ses addictions ? Pour Jean-Paul, cette question se pose chaque année, lorsqu'il prend ses trois semaines de congés en juillet. “Une fois, j'ai réussi à ne boire et fumer que deux jours sur la totalité du séjour, raconte le cadre bancaire de 55 ans. Cette année, c'était l'inverse : il n'y a qu'une journée pendant laquelle je n'ai ni bu ni fumé.”
Conscient de ses addictions depuis une vingtaine d'années, le père de famille a mis en place un système il y a six ans. Il s'astreint à un rythme très strict la semaine, partagé entre le travail et le sport. Puis, le vendredi soir, il se “relâche” en s'autorisant à fumer et à boire de l'alcool, sans restrictions. “Quand je me réveille le dimanche matin, j'arrête à nouveau… Jusqu'au week-end suivant”, indique Jean-Paul.
“Pour revivre du hors-piste, on est obligé d'en reprendre”
Lorsqu'on lui présente ce mode de fonctionnement, l'addictologue Stéphanie Ladel est catégorique. Pour elle, si le quinquagénaire se tourne vers l'alcool ainsi que la cigarette le week-end et pendant les vacances, c'est pour ne pas être sous contrôle tout le temps, comme il l'est lorsqu'il travaille. “Il sort de sa vie et se met en hors-piste", estime-t-elle. Selon l'experte, ce comportement pose deux problèmes. D'abord, le risque de développer des troubles de la conscience en étant auteur d'un accident ou en se faisant voler, par exemple.
“Puis, à force de donner ces ressources extérieures de plaisir ou de soulagement à son cerveau, il se met dans un équilibre artificiel, poursuit Stéphanie Ladel. C'est le principe de l'addiction : pour revivre du hors-piste, on est obligé d'en reprendre, d'aller plus loin la fois d'après, et on plonge dans l'accoutumance.”
“L'addiction, c'est de l'autodiagnostic”
Pour traiter ses patients, l'addictologue utilise une thérapie brève stratégique, avec un rythme moyen de 5 à 10 séances réparties de manière hebdomadaire. Objectif : se représenter les choses autrement et se penser différemment pour pouvoir aborder une vie sans produits ou sans comportements. “Je travaille autour de l'idée que l'on se détourne d'un produit qui nous a détourné de nous-même : il nous rappelle tellement souvent à lui qu'il nous a créé un chemin, explique Stéphanie Ladel. En sortant de l'équation, on se détourne très naturellement car on construit une autre façon de voir les choses".
Ainsi, on peut considérer que l'on est addict à un produit ou à un comportement lorsque l'on se dit que l'on ne veut pas y toucher mais qu'on ne peut s'empêcher de le faire. “L'addiction, c'est de l'autodiagnostic", précise l'experte. De fait, les vacances d'été semblent être le moment adéquat pour commencer à travailler dessus.
Rompre avec son quotidien pour identifier son addiction
“Pendant les vacances, tous les éléments routiniers ne sont plus présents, indique l'addictologue. Certaines personnes pensaient que leur habitude d'aller vers tel ou tel produit s'expliquait par le contexte du travail. Or, au moment de rompre avec leur quotidien, elles peuvent se rendre compte qu'elles gardent quand même cette pratique : c'est un signe d'addiction". Un constat qui peut mener à une prise de conscience et à une volonté d'agir.
Autre cas de figure : celui des personnes qui se débrident en vacances, en se permettant davantage d'excès lorsqu'elles sortent, par exemple. “Quand on prend de l'alcool à outrance, que l'on essaie des drogues, il y a des risques, reprend Stéphanie Ladel. Certains se font des frayeurs car leur expérience tourne mal, ont des regrets, ou se font peur sur leur capacité à aller vers ces substances. Cela peut donner lieu à des moments de lucidité, pendant lesquels ils se disent qu'il ne faut pas que ce comportement s'installe".
Prendre rendez-vous sans attendre la fin des vacances
Enfin, l'experte remarque que les personnes qui restent chez elles pendant leurs congés ont davantage de temps pour elles, ce qui est propice à l'introspection. “Cela laisse la possibilité à beaucoup d'identifier leur problème et de se dire qu'ils peuvent prendre le temps de s'occuper d'eux, de parler à quelqu'un", développe-t-elle.
Par conséquent, l'addictologue note que les mois de juillet et août n'ont jamais été calmes pour elle ; il lui arrive même d'avoir de nouveaux patients. “A priori, les vacances d'été constituent un bon moment de repérage", constate-t-elle. Ainsi, il convient de ne pas attendre la reprise du travail pour contacter un addictologue afin de prendre rendez-vous. “Sinon, la motivation risque de retomber comme un soufflé : la routine nous empêchera de trouver le temps pour s'en occuper, et on retombera dans un cercle", regrette Stéphanie Ladel.