L’apparition de la pandémie de coronavirus a donné le coup d'envoi d’une course au vaccin. Au départ, une centaine de participants provenant d’une multitude de pays se sont positionnés. Quelques mois plus tard, trois entreprises ont pris la tête de la course. Elles entrent dans la dernière phase des essais cliniques, où le produit est testé sur un très large échantillon de patients, après avoir montré des bons résultats lors des deux premières phases.
Ce lundi 27 juillet, l'Américain Moderna entre dans la phase 3 des essais cliniques, rejoignant les deux autres leaders de course au vaccin que sont l’université d’Oxford, en partenariat avec le groupe pharmaceutique AstraZeneca, et le chinois CanSino. Le vaccin qui sera testé sur 30 000 personnes a reçu une nouvelle aide du gouvernement américain, d'un montant de 472 millions de dollars, portant l'enveloppe globale à près d'un milliard de dollars pour soutenir la recherche.
Des milliards d’euros de pré-commandes
Derrière cette compétition effrénée à la recherche du vaccin qui permettrait de sortir de la crise pandémique, une course économique se dessine. Les États-Unis ont déjà dépensé 5,5 milliards d’euros, répartis entre différents laboratoires, afin de s’assurer la réception de plusieurs millions de doses des vaccins, qui ne sont encore que des candidats-vaccins. L’Europe, par l’intermédiaire de France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, n’a pas tardé à réagir et a déboursé 300 millions d’euros pour pré-réserver 300 millions de doses à l’industrie pharmaceutique britannique AstraZeneca. Le Royaume-Uni a lui aussi mis la main à la poche et déboursé plus de 100 millions d’euros pour s'assurer de recevoir les doses de vaccin nécessaires.
Ces chiffres mirobolants, qui traduisent une forme indirecte de financement de la recherche, relèvent plutôt d’une “stratégie politique”, analyse l’économiste Nathalie Coutinet, professeure à l’université Paris 13 et chercheuse au Centre d'économie de Paris Nord, interrogée par Pourquoi docteur. “Ces pré-commandes servent aux firmes pharmaceutiques pour leur permettre d’adapter leur matériel de production afin d’être en capacité de produire rapidement d’énorme quantité de vaccins. Derrière cela, on voit une logique politique des États de dire à leur population qu’ils sont en capacité de répondre à leurs exigences de santé, comme ce fut le cas avec les masques ou les lits dans les hôpitaux.”
Le vaccin, “un bien public mondial” pour Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a lui opté pour une approche universaliste de la recherche du vaccin et annoncé, le 16 juin dernier, défendre une “vision d’un bien public mondial pour ce que sera le vaccin”, après que Donald Trump ait passé un accord avec le groupe Sanofi pour lui acheter des millions de doses. Une sortie qui interroge face à l’argent déboursé par les différents États pour se doter des doses du futur vaccin. “Je trouve l’incantation de Macron ridicule, tranche Nathalie Coutinet. Un médicament n’est pas un bien commun, il y a des accords qui sont passés et on est bien loin de quelque chose de commun. La même chose s’est produite avec le Sida où l’on a vu les pays du Sud avoir des difficultés immenses pour se procurer des antirétroviraux.”
Du côté des laboratoires, pour l’instant deux visions s’opposent quant aux retombées économiques de leur future vente potentielle. D’un côté, les groupes pharmaceutiques européens et chinois annoncent qu’ils les vendront à prix coûtant, c’est-à-dire au prix de fabrication. De l’autre, la vision américaine où les entreprises, comme Pfizer, ont déjà annoncé qu’ils ne vendraient pas à prix coûtant. “Cette course économique derrière la recherche du vaccin est surtout une course à l’image, estime Nathalie Coutinet. Cette course concerne principalement la Chine et les États-Unis pour savoir qui a la capacité d’innovation la plus élevée. Sans nier les enjeux financiers, la bataille qu’ils se livrent est plutôt une bataille d’image.”