Plus de 150 millions de femmes utilisent une contraception orale dans le monde. Nombre d’entre elles commencent à la prendre tôt, dès l’adolescence. Outil de libération et d’émancipation, la pilule est aussi connue pour ses effets secondaires, dont certains sont encore à découvrir. Au sein de l’université canadienne d’Ottawa, une équipe de recherche a voulu comprendre quelles sont les conséquences de la contraception orale sur le cerveau, en particulier lorsqu’elle est prise tôt.
Des modifications structurelles du cerveau
Nafissa Ismail et Andra Smith ont comparé la réactivité au stress, qui désigne la manière dont quelqu’un réagit face à une situation stressante, chez des femmes ayant pris la pilule tôt et celles ne l’ayant jamais prise. Elles ont constaté des différences dans les structures et dans les fonctions cérébrales entre ces deux groupes de femmes. “L’usage d’une contraception orale est associé à une augmentation de l’activité du cortex préfrontal lorsque la mémoire est stimulée négativement, par des images d’armes ou d’accidents de voiture par exemple", explique Nafissa Ismail, professeure associée de psychologie.
L'activité cérébrale est aussi différente entre ces deux groupes de femmes lorsque les images remémorées sont neutres. La réponse au stress des femmes prenant la pilule tôt est également différente : elles ne réagissent pas autant que les autres femmes à des situations stressantes. “L’utilisation d’une contraception orale est associée à des changements structurels significatifs dans les régions cérébrales liées à la mémoire et au processus émotionnel", conclut la scientifique.
Une explication aux troubles de l’humeur ?
Cette découverte pourrait amener une meilleure compréhension de certains effets de la contraception. La spécialiste considère que ce “mécanisme neuronal” expliquerait potentiellement pourquoi certaines femmes souffrent de troubles de l’humeur après avoir pris la pilule. “Certaines femmes se plaignent de troubles dépressifs lorsqu’elles prennent la pilule", précise-t-elle.
Des études précédentes se sont déjà intéressées au lien entre troubles de l’humeur et pilule contraceptive. En 2016, des chercheurs danois ont constaté que les femmes prenant la pilule étaient plus nombreuses à consommer des antidépresseurs en comparaison aux femmes ayant un autre moyen de contraception. En mai dernier, d’autres scientifiques ont montré que les troubles de l’humeur associée à la pilule sont liés à l’ocytocine, une hormone présente dans l’organisme et dont la sécrétion est associés à des signaux sociaux ou affectifs. “L’objectif de notre recherche n’est pas d’inquiéter les femmes ou de les empêcher de prendre la pilule, précise Nafissa Ismail. Nous voulons seulement les informer afin qu’elles puissent prendre une décision en connaissance de cause de ce qui est le mieux pour elles."