La seconde lecture de la loi bioéthique à l'Assemblée nationale, qui se termine ce vendredi 31 juillet, aborde la légalisation du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A), aujourd’hui interdit en France. La gynécologue Pia de Reilhac, présidente de la FNCGM, apporte des éléments de compréhension à ce débat complexe.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) ?
Le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) permet de détecter une anomalie chromosomique sur l'embryon. On prend un morceau de trophoblaste, qui est la couche externe des cellules qui entourent l'embryon, et on dresse le caryotype. La photographie de la carte génétique du bébé à naître peut alors être analysée.
De là, on peut constater la présence ou l'absence d'une ou de plusieurs copies supplémentaires d'un chromosome. Dans le cas d'un chromosome supplémentaire, il s'agit par exemple d'une trisomie, et de deux d’une tétrasomie. On parle alors "d’aneuploïdie”, c’est-à-dire que l’embryon a un nombre anormal de chromosomes.
A quoi cela sert-il ?
L’aneuploïdie est une cause fréquente d’échecs d’implantation de l’embryon in utero.
Lorsque nous avons été auditionnés par le Sénat et l’Assemblée, nous avons proposé la légalisation du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies pour les femmes suivant un parcours de PMA, afin de leur éviter de leur implanter un embryon qui les conduira à une fausse couche. L’idée était de leur éviter des souffrances psychologiques supplémentaires, car un parcours de PMA est en général éprouvant.
Le risque de fausse-couche chez les femmes suivant un parcours de PMA est d’autant plus fort qu’elles ont en général un âge avancé pour concevoir.
La droite dénonce “un tri des embryons”. Est-ce exact ?
Oui, le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies permet bien un tri des embryons.
Les opposants à la mesure craignent une “dérive eugéniste”. Qu’en pensez-vous ?
C’est compliqué. Il faut savoir jusqu’où on peut aller, et où on doit s’arrêter, car sans encadrement, la dérive eugéniste existe bel et bien.
Le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies permet par exemple d’éliminer les embryons porteurs du syndrome de l’X fragile*, qui peut entrainer des problèmes de compréhension, car le bébé aura un QI un peu moins élevé que la moyenne. Mais les personnes atteintes du syndrome de l’X fragile peuvent très bien vivre : elles travaillent, se marient, ont des enfants… Même débat pour le syndrome 47,XYY, plus connu sous le nom de syndrome du tueur, caractérisé par la présence anormale d'un deuxième chromosome Y. Les personnes atteintes auront une croissance difficile, mais vivront globalement tout à fait bien.
Les anomalies font partie de la nature, et les supprimer peut déclencher une course à l’enfant parfait.
Se dirige-t-on vers "une élimination systématique des trisomies", comme le dénonce la jeune maman d’un enfant trisomique dans le post Instagram ci-dessous ?
Concernant la trisomie 21, une partie de notre population ne fait pas de dépistage pendant la grossesse, car c’est pour certains couples inenvisageable d’avorter d’un bébé trisomique. Alors ce n’est pas la majorité des gens, certes, mais quand même, il faut signaler que cela existe.
Sur ce point, nous avons proposé lors de nos auditions que ne soit pas recherchée la trisomie 21 pendant le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, car cette recherche est proposée pendant la grossesse. Mais les gens ont peur, et c’est compréhensible, que si les chercheurs font le DPI-A, ils auront de toute façon accès à toutes les anomalies de l’embryon, et voudront potentiellement éliminer tout ceux porteurs d’un problème, y compris la trisomie 21.
Et puis, on parle beaucoup de la trisomie 21, mais que fait-on si on est en présence d’un futur bébé atteint de trisomie 18 ? Quatre-vingt-dix pour cent des bébés atteints de ce trouble meurent avant l'âge d'un an, mais 5 à 10% survivent à leur première année de vie.
Un mot en conclusion ?
Personnellement, je pense qu’il ne faut pas élargir le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) à tout le monde, mais rester concentré sur les femmes suivant un parcours de PMA.
*"Dans le souci de favoriser une meilleure compréhension de la situation des personnes atteintes par le syndrome X fragile, je souhaite réagir aux propos de madame Pia de Reilhac concernant l’exemple cité dans l’interview et qui laisse penser que les personnes atteintes par cette maladie vivent une vie ordinaire.
Concernant le syndrome X fragile, Il est important de distinguer deux situations qui ont un impact très différent sur la vie des personnes.
La première concerne des personnes pré-mutées, ce qui signifie qu’elles sont porteuses de l’anomalie génétique et sont susceptibles de la transmettre à leur descendance. Ces personnes mènent une vie proche de la normalité comme le décrit madame Pia : elle se marient, travaillent, ont des enfants.
A souligner qu’un pourcentage non négligeable d’entre elles seront atteintes d’insuffisance ovarienne précoce, et /ou de FXTAS (atteinte neurologique de type parkinsonien).
La seconde situation à prendre en compte concerne les personnes atteintes par le syndrome x fragile en mutation complète, soit plus de 15000 personnes diagnostiquées en France. La maladie se caractérise par une déficience intellectuelle qui va de légère à sévère, associés à des troubles du comportement et des manifestations autistiques.
On peut donc aisément imaginer l’impact sur la vie de personnes vivant avec ce handicap et leur entourage familial.
La plupart de ces personnes travaille en ESAT ou sont pris en charge dans des établissements médicaux sociaux. Leur vie en couple est très rare et nécessite un fort accompagnement pour la gestion du quotidien. Quant au fait de devenir parents, en trente ans d’existence de l’association « fragile X France le Goéland, nous n’en avons jamais connu.
Christine Kieffer, présidente Fragile X France.
Site web : xfra.org"