Alerte au bourbier péruvien. Cet état sud-américain est aujourd'hui, après la Belgique, le deuxième pays le plus meurtri par la Covid-19 au regard de sa population. Cependant, contrairement au Plat pays, l'ancien cœur de l'empire Inca ne semble pas capable de sortir de ce marasme sanitaire. Alors qu'en avril dernier, une représentante des soignants d'un hôpital à Lima avait dénoncé la mort de plus de 70 personnes atteintes de Covid-19 faute de lits, les différents hôpitaux manquent toujours de lits et de matériels nécessaires. Le journal péruvien, La República, relate la situation désastreuse d'un hôpital au sud du pays : “Les autorités sanitaires de la région admettent qu'il n'y a plus d'oxygène, ni d'espace pour hospitaliser les cas urgents, ils ont besoin de ventilateur ainsi que d'unités de réanimation.” Le journal explique que tous les responsables de l'hôpital sont tombés malades et que les autorités sanitaires n'ont pas été en mesure de trouver des remplaçants pour gérer la crise en cours.
Faute de lits, de matériels et de moyens humains, les morts s'accumulent. “Pourquoi nos résultats sont-ils si mauvais ? demande embarrassée Pilar Mazzetti, la ministre de la Santé péruvienne. Vous pensez peut-être que le chaos n'affecte que la population, mais il nous affecte aussi, nous le système. Au ministère, nous avons eu une baisse de près de 50% du personnel” rapporte le journal. Face à cet aveu de défaillance, la ministre poursuit ses explications : “Nous sommes les pires au monde, pourquoi ? Excusez-moi mais souvenez-vous que nous avons été les meilleurs pour initier les efforts, mais ils n'ont pas eu les effets désirés. Ils n'ont pas eu d'influence. Et cela [le confinement débuté le 16 mars dernier, NDLR] a énormément coûté à notre économie. Cela a été un sacrifice énorme mais si nous ne l'avions pas fait la situation aurait été pire que si nous n'avions rien fait [...] cela aurait été la fin du pays.”
Renforcement des contrôles
C'est bien la tragédie qui se déroule dans le pays. Malgré une rapide réaction dès la mi-mars avec le confinement et le couvre-feu, suivi du port obligatoire du masque en extérieur et l'interdiction de se réunir les dimanches, le pays déplore 26 281 morts dus à la Covid-19. Un chiffre impressionnant pour un pays qui ne compte “que” 32 millions d'habitants. Si les mesures semblent avoir porté leurs fruits les premières semaines, depuis la mi-avril le virus a de nouveau circulé dans le pays. Le Pérou semble aujourd'hui coincé sur un plateau de 200 trépas quotidien et une augmentation inaltérable du nombre de contaminations. Si le taux de létalité à Lima, la capitale, est de 4,41%, certains états affichent un taux supérieur à 8%.
Face à ce désastre, le gouvernement tente de freiner la progression du virus par une plus grande contrainte. “Ceux qui transgressent les règles imposées par l'exécutif pourront être arrêtés durant 48 h et devront payer une amende, prévient Jorge Montoya Pérez, le ministre de l'Intérieur péruvien. Les passes de football entre amis, c'est terminé !” La República rapporte que la police a désormais le droit de rentrer dans les habitations s'ils soupçonnent un rassemblement. Ainsi le week-end dernier, le journal écrit que les policiers ont stoppé une quarantaine de fêtes clandestines et arrêté plus de 1 200 personnes. Soirées avec orchestre, mariages ou réunions entre amis, le gouvernement espère bien appliquer son interdiction des réunions publiques.
Des efforts qui ne semblent toutefois pas suffisants. Dans une économie minée à 70% par le travail informel, de nombreuses personnes ne peuvent pas rester confinées sous peine de mourir de faim. Même si le gouvernement péruvien a mis en place des subventions pour les familles pauvres, beaucoup de personnes ne sont pas recensées et ne peuvent pas bénéficier de ces aides. Inégalité, marché noir et fragilité du système de santé péruvien semblent mener le pas de cette danse macabre.