Si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a prévenu début août qu'il fallait se préparer à ce qu'aucun vaccin ne soit trouvé pour la Covid-19, elle envisage néanmoins le scénario inverse. L'organisation internationale tente de convaincre ses états-membres que la meilleure façon de lutter contre la pandémie est le multilatéralisme. “Personne n’est à l’abri tant que tout le monde n’est pas à l’abri, a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, lors d’une conférence de presse virtuelle. Nous devons prévenir le nationalisme vaccinal.” Une référence à la Russie qui a déjà assuré avoir confectionné un vaccin contre la Covid-19 ? Pour éviter que chaque pays ne fasse cavalier seul et n'utilise l'hypothétique vaccin comme un levier diplomatique, l'OMS veut une mise en commun des outils permettant à la planète de combattre la Covid-19.
Dans une lettre envoyée ce mardi à l'ensemble des pays membres, l'organisation mondiale les appelle à joindre son dispositif d'accès mondial au vaccin de la Covid-19 : le Covax. Ce mécanisme de financement cogéré par Gavi — une organisation internationale de partenariat entre institutions mondiales de santé, mécènes et entreprises privées — et l'OMS, projette de récolter 2 milliards de dollars “dans un premier temps” afin de pouvoir commander fin 2021 deux milliards de doses du futur vaccin. Selon Gavi, le but est, comme pour les vaccins contre le pneumocoque ou Ebola, de garantir des prix bas pour le rendre accessible à l'ensemble de la population mondiale. “Ce n’est pas de la charité, nous avons appris à nos dépens que la manière la plus rapide de mettre fin à cette pandémie et de rouvrir les économies est de commencer par protéger les populations les plus à risque partout, plutôt que les populations entières de certains pays seulement, insiste le directeur général de l’OMS. Le partage stratégique et mondial des ressources limitées est en fait dans l’intérêt national de chaque pays.”
Stratégie de vaccination mondiale
Dans sa ligne de mire, certains pays qui restreignent les exportations ou de réquisition de fournitures médicales. Une insinuation à peine voilée à la France et l'Allemagne qui, à la mi-mars, ont brièvement interdit l'exportation de matériel médical ou à la Chine, soupçonnée d'avoir réduit l'exportation de masque dès janvier et ainsi participé à la pénurie mondiale. “Si nous pouvons travailler ensemble, nous pourrions garantir que tous les travailleurs essentiels soient protégés et que des traitements éprouvés comme la dexaméthasone [anti-inflammatoire préconisé par l'OMS pour traiter la Covid, NDLR] soient disponibles pour ceux qui en ont besoin”, plaide Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Le directeur général de l'OMS a alors décliné le scénario arrêté pour l'action du Covax. “Lors de la première phase, les doses seront allouées de façon proportionnelle et simultanée à tous les pays participants [au Covax] afin de réduire le risque global. Au cours de la phase 2, on tiendra compte de la menace et de la vulnérabilité des pays", a-t-il indiqué. Ces premières doses devraient être données en priorité aux “travailleurs de première ligne dans les établissements de santé et d’aide sociale” ainsi que les personnes vulnérables. “Pour la plupart des pays, une attribution [des vaccins] pendant la phase 1 permettant d’atteindre 20% de la population, couvrirait la plupart des groupes à risque, a-t-il souligné. Si nous ne protégeons pas ces personnes à haut risque contre le virus partout et en même temps, nous ne pouvons pas stabiliser les systèmes de santé et reconstruire l’économie mondiale.” À ce jour, 170 pays, représentant près de 70 % de la population mondiale, ont montré leur intérêt pour ce dispositif. Le directeur général de l'OMS souhaite que les pays s'engagent formellement avant la fin du mois.