- La décision espagnole d’interdire la cigarette lorsque la distanciation physique est impossible relève plutôt d’une mesure barrière que scientifique.
- Il n'y a aucune preuve scientifique de transmission du virus par la fumée de cigarette.
- Les fumeurs sont plus à risque d'avoir des complications liées à une infection à la Covid-19.
En Espagne, pour lutter contre la recrudescence de la Covid-19, il est désormais interdit de fumer dans la rue lorsqu'on ne peut pas se tenir à au moins deux mètres des autres personnes. Une mesure qui interroge sur la possibilité réelle que le virus puisse se transmettre grâce à la fumée de cigarette ou de vapoteuse. Ce que l’on sait, c’est que le coronavirus est principalement transmis par l’inhalation des gouttelettes projetées par la toux, les éternuements ou la parole d'une personne infectée.
Une décision pour faire barrière
“La fumée de cigarette n'a jamais été considérée comme un vecteur de transmission du virus”, tranche d’emblée Anne Goffard, médecin virologue au CHU de Lille, à Franceinfo. “D’un point de vue purement scientifique, rien ne sous-tend un effet de la fumée de cigarette sur la capacité du virus à se propager”, confirme Alexandre Bleibtreu, médecin infectiologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. La décision espagnole d’interdire la cigarette lorsque la distanciation physique est impossible relève plutôt d’une mesure barrière que scientifique. Il a été établi que les micro-gouttelettes de salive qui sortent de notre bouche lorsque nous parlons peuvent être des vecteurs de transmission du coronavirus. Deux études, américaine et japonaise, affirment que des gouttelettes microscopiques (de moins de 5 micromètres), présentes dans l'air expiré par un malade, peuvent contenir des particules virales. Or, lorsque l’on fume une cigarette, on fait tomber le masque et on est amené à respirer, voire parler, et ainsi recracher ces micro-gouttelettes potentiellement vectrices du virus.
Les scientifiques restent toutefois mesurés quant à la contamination par aérosol. “Il y a sans doute une part de contamination liée à une transmission aérienne, mais celle-ci est marginale”, estime Denis Malvy, médecin infectiologue au CHU de Bordeaux et membre du Conseil scientifique. En extérieur, cela est quasiment impossible ajoute-t-il à moins que l’on se trouve “dans un lieu ouvert mais dans lequel la foule est tellement compacte qu'on y est tous comme des sardines.” “Les aérosols, c'est la grande mode, mais scientifiquement rien n'est démontré et on ne peut rien affirmer”, ajoute Alexandre Bleibtreu.
Une mesure qui vise, notamment, les asymptomatiques
La mesure espagnole relève bien du “principe de précaution”, analyse Anne Goffard. “Quand on fume ou qu'on vapote, on enlève son masque, on expose ses voies respiratoires. L'idée, c'est de se prémunir des gens qui se disent : ‘Je fume donc je peux enlever mon masque.’ La volonté, c'est que les gens portent le masque partout.” En outre, ajoute-t-elle la part importante de patients asymptomatiques, qui représentent environ un malade sur cinq, justifie à elle seule cette mesure. “Il y a beaucoup de gens asymptomatiques qui n'ont pas de raison de faire particulièrement attention, avance Anne Gofard. Comme on ne peut pas identifier ces asymptomatiques qui peuvent transmettre le virus, il faut que tout le monde prenne des précautions tout le temps.”
Par ailleurs, plusieurs études ont montré que le tabagisme augmente le risque de complications chez les malades de la Covid-19. Le risque de progression de la maladie chez les fumeurs ou les anciens fumeurs est presque double par rapport aux malades qui n’ont jamais fumé, ont constaté les scientifiques. Le tabac augmenterait le risque de graviter des infections pulmonaires à cause des dommages faits aux voies respiratoires supérieures. Il entrainerait également une diminution de la fonction immunitaire pulmonaire.