- Bien que présentant des symptômes moins visibles, les enfants ont souvent une charge virale élevée du SARS-CoV2, ce qui les rend particulièrement actifs dans sa propagation.
- Cette découverte doit absolument être prise en considération pour adapter au mieux les protocoles sanitaires mis en place pour la réouverture des école, expliquent les auteurs de l'étude.
Qu’ils présentent ou non des symptômes de la Covid-19, les enfants jouent un rôle important dans la propagation du virus. C’est ce que met en lumière une étude menée par des chercheurs du Massachusetts General Hospital (MGH) et du Massachussetts General Hospital for Children (MGHfC), et publiée ce jeudi 20 août dans le Journal of Pediatrics.
Contrairement à ce qu’avançait jusqu’ici la communauté scientifique, les enfants sont bien des propagateurs silencieux du virus. L’étude a porté sur 192 enfants âgés de 0 à 22 ans, dont 49 testés positifs et 18 autres ayant souffert d’une maladie à déclenchement tardif liée à la Covid-19. Ses résultats démontrent que les enfants infectés avaient un niveau de virus nettement plus élevé dans leurs voies respiratoires que les adultes hospitalisés dans des unités de soins intensifs.
Un diagnostic difficile
“J'ai été surpris par les niveaux élevés de virus que nous avons trouvés chez les enfants de tous âges, en particulier au cours des deux premiers jours d'infection, affirme le docteur Lael Yonker, directeur du Centre de la mucoviscidose du MGH et auteur principal de l'étude. Je ne m'attendais pas à ce que la charge virale soit aussi élevée. Vous pensez à un hôpital et à toutes les précautions prises pour traiter des adultes gravement malades, mais les charges virales de ces patients hospitalisés sont nettement inférieures à celles d'un ‘enfant en bonne santé’ qui se promène avec une charge virale élevée de SARS-CoV2.”
Après avoir effectué des prélèvements nasaux et pharyngés auprès de 192 enfants, adolescents et jeunes adultes, les chercheurs ont constaté que la transmissibilité était d’autant plus importante que la charge virale était élevée. Le diagnostic de Covid-19 est, de plus, difficile à établir car les enfants infectés présentent des symptômes typiques de la Covid-19, comme la fièvre, l'écoulement nasal et la toux, ils se superposent souvent à des maladies infantiles courantes, notamment la grippe et le rhume.
Comme le rappelle le docteur Alessio Fasano, directeur du Centre de recherche en immunologie et biologie des muqueuses du MGH, “les enfants ne sont pas immunisés contre cette infection, et leurs symptômes ne sont pas en corrélation avec l’exposition et l’infection […] Au cours de cette pandémie Covid-19, nous avons principalement dépisté les sujets symptomatiques, nous sommes donc arrivés à la conclusion erronée que la grande majorité des personnes infectées sont des adultes. Cependant, nos résultats montrent que les enfants ne sont pas protégés contre ce virus. Nous ne devons pas écarter les enfants comme des vecteurs potentiels de propagation de ce virus", prévient le chercheur.
Une augmentation des cas de MIS-C
Autre découverte importante faite par l’étude : celle qui contredit l’hypothèse selon laquelle les enfants ont un nombre inférieur de récepteurs immunitaires pour le SARS-CoV2, ce qui les rend moins susceptibles d'être infectés ou gravement malades. Les données du groupe montrent en effet que bien que les jeunes enfants aient un nombre plus faible de récepteurs du virus que les enfants plus âgés et les adultes, cela n'est pas en corrélation avec une diminution de la charge virale. Selon les auteurs, ce résultat suggère que les enfants peuvent porter une charge virale élevée, ce qui signifie qu'ils sont plus contagieux, indépendamment de leur sensibilité à l'infection au Covid-19.
Enfin, les chercheurs ont étudié la réponse immunitaire des enfants au MIS-C, une maladie rare liée à la Covid-19, et qui se traduit par une infection systémique multi-organes apparaissant plusieurs semaines après l’infection. Les complications peuvent inclure des problèmes cardiaques graves, un choc et une insuffisance cardiaque aiguë. D’après les auteurs de l’étude, le nombre d’enfants touchés par le MIS-C est en augmentation. “Et, comme chez les adultes présentant ces très graves complications systémiques, le cœur semble être l'organe favori ciblé par la réponse immunitaire post-Covid-19", ajoute Alessio Fasano.
Adapter la réouverture des écoles
Pour les auteurs de l’étude, ces conclusions doivent absolument être prises en compte dans la politique de réouverture des écoles “pour assurer la sécurité des enfants, des enseignants et du personnel". Ils recommandent notamment de ne pas se fier à la température corporelle ou à la surveillance des symptômes pour identifier l’infection par le virus en milieu scolaire mais, au contraire, de mettre l’accent sur la distanciation sociale, l’utilisation de masques, la systématisation du lavage des mains et, quand cela est possible, l’apprentissage à distance.
“Cette étude fournit des faits indispensables aux décideurs politiques pour qu'ils puissent prendre les meilleures décisions possibles pour les écoles, les garderies et les autres institutions qui s'occupent d'enfants, explique le Dr Fasano. Les enfants sont une source possible de propagation de ce virus, et cela devrait être pris en compte dans les étapes de planification de la réouverture des écoles.” L’immunologue craint qu'un retour précipité à l'école sans une planification adéquate n'entraîne une augmentation des cas d'infection par le COVID-19. “Si les écoles devaient rouvrir complètement sans les précautions nécessaires, il est probable que les enfants joueraient un rôle plus important dans cette pandémie", concluent les auteurs.