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Réanimation

Arrêt cardiaque: les compressions thoraciques profondes efficaces malgré le risque de blessures

Par Thierry Borsa

Face à une victime d'arrêt cardiaque, les recommandations de réanimation plaident pour des compressions thoraciques profondes. Le risque de fracture des côtes ou du sternum existe mais ces blessures s'accompagnent souvent d'une réduction des lésions cérébrales.

Tutye/iStock
Les compressions thoraciques profondes sont recommandées dans la réanimation cardio-respiratoire
Ces gestes peuvent entraîner des blessures aux côtes ou au sternum
Mais les patients blessés par la réanimation présentent moins de lésions cérébrales

Mieux vaut une côte cassée qu'une lésion cérébrale. Cela semble évident mais la question se pose régulièrement, tous les 5 ans, lors de la mise à jour des directives de réanimation cardio-respiratoire : celles-ci sont utilisées par tous ceux, professionnels des secours ou grand public, qui sont amenés à intervenir auprès d'une personne victime d'arrêt cardiaque. La recommandation de 2010 qui a introduit des compressions thoraciques plus profondes avait en effet suscité des inquiétudes sur le risque de voir se multiplier les blessures liées à ces massages cardiaques plus “appuyés”.

Fractures des côtes et du sternum

Une étude présentée le 24 août 2020 au congrès ESC 2020 (congrès de la Société européenne de cardiologie) vient trancher le débat : elle démontre que les réanimations cardio-respiratoires, si elles peuvent provoquer des fractures des côtes ou du sternum, réduisent les lésions cérébrales consécutives à un arrêt cardiaque.

Les compressions thoraciques profondes améliorent le flux sanguin vers le cerveau et par conséquent améliorent aussi la survie et la fonction cérébrale”, précise l'auteur de l'étude, la docteure Irene Marco Clement, de l'université de La Paz à Madrid (Espagne). Lorsque la circulation du sang s'arrête parce qu'une personne est en arrêt circulatoire ou en état d'inconscience, les organes, dont le cerveau, ne sont plus alimentés en oxygène et commencent à mourir. D'autant que ce processus est très rapide : les lésions cérébrales apparaissent dès la 3e minute, les chances de survie diminuant de 10% par minute sans réanimation et devenant pratiquement nulles après dix minutes d'arrêt circulatoire sans réanimation. Le fait d'oxygéner artificiellement le sang et de le faire circuler à partir de compressions thoraciques permet d'éviter ou de ralentir cette dégradation dont l'issue peut être fatale.

Etat neurologique et taux de blessures

Le travail mené par la docteure Marco Clement a permis de mesurer l'influence des conseils en matière de réanimation cardio-respiratoire — celle-ci est de plus en plus pratiquée par des non-professionnels utilisant des défibrillateurs — sur l'état neurologique des survivants d'un arrêt cardiaque, mais aussi d'évaluer le taux de blessures lié à cette pratique.

Conduite entre 2006 et 2020, cette étude a inclus 510 patients ayant survécu à un arrêt cardiaque après avoir été hospitalisés alors qu'ils étaient inconscients. Ces patients dont l'âge moyen était de 63 ans et qui étaient pour 81% des hommes ont été divisés en trois groupes correspondant aux mises à jour des directives sur la réanimation cardio-respiratoire, 2006-2010, 2011-2015 et 2016-2020.

Une meilleure fonction cérébrale chez les patients blessés

Résultat, la proportion de blessures observée sur les patients pris en charge après 2010 était plus élevée, passant de 12,7% pour la période 2006-2010 à 23,5% pour la période 2011-2015 et 22,7% pour la période 2016-2020. Mais les performances cérébrales des patients survivants (51,6%) à trois mois ont parallèlement considérablement augmenté entre le début et la fin de l'étude. Mieux, les deux tiers environ des patients blessés durant la réanimation (65,1%) avaient une fonction cérébrale élevée contre seulement 42% pour les patients qui n'avaient pas été blessés par les gestes de réanimation.

Ce qui permet à la docteure Marco Clement de conclure que “les blessures causées par la réanimation cardio-respiratoire ont augmenté mais ces patients étaient moins susceptibles d'avoir des lésions cérébrales”. La communication faite autour de son étude précise par ailleurs que si le grand public s'est montré plus réticent à pratiquer ce type de réanimation pendant la pandémie de Covid-19 en raison de la peur de la contagion lors de la pratique du bouche-à-bouche qui accompagne les compressions thoraciques, celles-ci ont déjà à elles seules une réelle efficacité.