- L'analyse du virobiote de près de 2 000 sujets occidentaux a permis d'identifier plus de 33 000 populations virales uniques.
- Il n'existe pas de groupe central de virus intestinaux communs à tous les humains : ces derniers s'adaptent à notre alimentation et à notre environnement.
- Un virome très diversifié contribue à une bonne santé, ce qui indique que les virus présents dans nos intestins pourraient constituer un nouveau traitement, notamment contre les super-bactéries.
Il n’y a pas que nos empreintes digitales ou notre ADN qui soit unique : c’est aussi le cas de notre virobiote, c’est-à-dire la composante virale du microbiote intestinal. C’est la découverte qu’on fait des chercheurs de l'Ohio State University (États-Unis). Dans leur étude, visant à constituer une base de données complète des populations virales dans le système digestif humain, et publiée dans la revue Cell Host & Microbe, les chercheurs ont analysé les virus provenant de l’intestin de 1 986 personnes en bonne santé et malades dans 16 pays occidentaux. Ils ont ainsi pu identifier 33 242 populations virales uniques, dont la majorité sont totalement inoffensives.
“Nous avons établi un point de départ solide pour voir à quoi ressemble le virome chez l'humain, affirme, Olivier Zablocki, chercheur postdoctoral en microbiologie et co-auteur de l’étude. Si nous pouvons caractériser les virus qui nous maintiennent en bonne santé, nous pourrions exploiter ces informations pour concevoir de futures thérapies pour les agents pathogènes qui ne peuvent pas être traités par des médicaments.”
Une signature virale propre à chaque individu
En se basant sur une analyse minutieuse de 32 études portant sur les virus intestinaux et menées sur une dizaine d’années, les chercheurs ont constaté que, bien que quelques populations virales soient partagées au sein d'un sous-ensemble de personnes, il n'existe pas de groupe central de virus intestinaux communs à tous les humains.
Leur travail est d’autant plus colossal, que les virus, au contraire des bactéries, sont difficiles à détecter car leurs génomes ne contiennent pas une séquence de gènes de signatures communes. “Nous avons utilisé l'apprentissage automatique sur des virus connus pour nous aider à identifier les virus inconnus, explique Ann Gregory, première autrice des travaux. Nous nous sommes intéressés au nombre de types de virus que nous pouvions voir dans l'intestin, et nous avons déterminé par combien de types de génomes nous pouvions voir puisque nous ne pouvions pas voir les virus visuellement.”
Des virus pour lutter contre les bactéries multi-résistantes
S’il n’existe pas de groupe de virus communs, les chercheurs ont cependant mis en lumière des tendances. Ainsi, chez les individus occidentaux en bonne santé, l'âge influence la diversité des virus dans l'intestin, qui augmente considérablement de l'enfance à l'âge adulte, puis diminue après 65 ans.
Les personnes vivant dans des pays non occidentaux présentent quant à elles une plus grande diversité de virus intestinaux que les Occidentaux. Cela suggère que le régime alimentaire et l'environnement sont à l'origine des différences de virome.
“Une règle générale en matière d'écologie est qu'une plus grande diversité conduit à un écosystème plus sain, rappelle Ann Gregory. Nous savons qu'une plus grande diversité de virus et de microbes est généralement associée à un individu en meilleure santé. Et nous avons vu que les individus en bonne santé ont tendance à avoir une plus grande diversité de virus, ce qui indique que ces virus peuvent potentiellement faire quelque chose de positif et avoir un rôle bénéfique.”
Pour les chercheurs, cette découverte laisse espérer que les virus pourront prochainement représenter une nouvelle classe de médicaments pour combattre les bactéries pathogènes, et en particulier celles ayant développé une antibiorésistance. Une meilleure connaissance des virus dans l'environnement intestinal pourrait également améliorer la compréhension des symptômes gastro-intestinaux ressentis par certains des patients les plus malades atteints de la Covid-19. “Ils pourraient également servir de base à quelque chose que nous pourrions déployer dans les océans du monde pour lutter contre le changement climatique", avance Matthew Sullivan, professeur de microbiologie et co-auteur de l’étude.