Et si cette pandémie n'était pas que l'affaire des humains ? Dans une étude publiée le 21 août dernier dans la revue américaine avec comité de lecture, Actes de l'Académie nationale des sciences, un ensemble de chercheurs d'universités américaines a voulu savoir si d'autres transmissions entre espèces étaient possibles et si oui quels animaux seraient les plus vulnérables. Pour répondre à cette question, les scientifiques ont comparé le récepteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine-2 (ACE2) humain - principale porte d'accès à notre organisme pour le SARS-CoV-2 responsable de l'épiodémie de Covid-19 -, avec celui de 410 autres vertébrés, dont 252 mammifères.
"Les animaux avec les 25 résidus d'acides aminés correspondant à la protéine humaine [NDLR : d'ACE2] devraient être les plus à risque de contracter le SRAS-CoV-2 via ACE2, explique Joana Damas, une des auteurs principaux de l'article et associée de recherche postdoctorale à l'Université de Californie (UC) Davis. Le risque devrait diminuer plus les résidus de liaison ACE2 de l'espèce diffèrent de ceux des humains."
Nous menaçons nos plus proches cousins
Sans surprise, les hommes peuvent transmettre très facilement le virus aux autres catarrhiniens, nos très proches parents génétiques, c'est-à-dire la plupart des primates d'Afrique et d'Asie. Ainsi nous pouvons facilement contaminer gorilles, chimpanzés, orangs-outans, babouins ou macaques via notre récepteur très proche ACE2. Une mauvaise nouvelle pour la biodiversité puisque la plupart de ces espèces sont vulnérables, voir en danger critique d'extinction comme le gorille des plaines de l'Ouest, l'orang-outan de Sumatra et le gibbon à joues blanches du Nord.
Les autres animaux signalés comme à haut risque comprennent les mammifères marins tels que les baleines grises et les grands dauphins, ainsi que les hamsters chinois. Les animaux domestiques tels que les chats, les bovins et les moutons présentaient un risque moyen, et les chiens, chevaux et porcs présentaient un faible risque de liaison à l'ACE2. Environ 40% des espèces potentiellement sensibles à une contamination par le SARS-CoV-2 via l'ACE2 sont classées comme "menacées" par l'Union internationale pour la conservation de la nature et peuvent être particulièrement vulnérables à la transmission interhumaine assure l'Université de Californie Davis. "Les données fournissent un point de départ important pour identifier les populations animales vulnérables et menacées à risque d'infection par le SRAS-CoV-2, affirme Harris Lewin un des principaux auteurs de l'étude et professeur d'évolution et d'écologie à l'UC Davis. Nous espérons qu'il inspirera des pratiques qui protègent la santé animale et humaine pendant la pandémie."
Covid-19 et chauve-souris : pas de lien direct via l'ACE2
Si des cas d'infections ont été documentés chez le vison, les chats, les chiens, les hamsters, les lions et les tigres, le coronavirus n'est pas à chaque fois entré dans l'organisme par l'ACE2. De ce fait, les auteurs recommandent de ne pas surinterpréter ces premières données qui appellent à des recherches complémentaires.
La limite de cet exercice est bien incarné par la chauve-souris, et notamment la Rhinolophus sinicus également appelée la chauve-souris rousse chinoise en fer à cheval auprès de laquelle un coronavirus fortement apparenté à celui à l'origine de l'épidémie de Covid-19 a été détectée. Cependant, cette espèce de chauve-souris, comme les autres, possèdent un ACE2 très différent de celui des humains. "On ne sait pas encore si les chauves-souris ont transmis directement le nouveau coronavirus aux humains ou s'il est passé par un hôte intermédiaire, mais l'étude soutient l'idée qu'un ou plusieurs hôtes intermédiaires étaient impliqués", assurent les auteurs.
Sécurité humano-animale
Ces données de proximité génétique de l'ACE2 entre l'homme et les autres espèces animales pourraient aider les scientifiques à cibler leurs recherches sur le mécanisme de transmission. La chauve-souris reste, à ce jour, la principale source supposée du virus parce que selon l'étude elle "abrite la plus grande diversité de bétacoronavirus parmi les mammifères".
Or mieux comprendre la transmission des virus entre les différentes espèces peut également permettre d'éviter des contaminations futures. Les Zoo national Smithsonian (Washington D.C.) ou le Zoo de San Diego (Californie) ont notamment participé à cette recherche en fournissant du matériel génomique à l'étude. "Les maladies zoonotiques et la prévention de la transmission d'humain à animal ne sont pas un nouveau défi pour les zoos et les professionnels des soins aux animaux, temporise l'un de co-auteur de l'étude Klaus-Peter Koepfli également chercheur principal à la Smithsonian-Mason École de conservation. Ces nouvelles informations nous permettent de concentrer nos efforts et de planifier en conséquence pour assurer la sécurité des animaux et des humains".