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Innovation

Comment serons-nous soignés en 2030 ?

Par Paul-Emile François

Les données de santé seront au coeur de la révolution que devrait connaître dans les 10 années à venir la prise en charge des patients. Mais c'est tout le système de santé qui devrait vivre une véritable révolution.

metamorworks/iStock
L'utilisation des outils numériques annonce une révolution dans la prise en charge des patients
Le rôle des différentes professions de santé pourrait connaître de grandes évolutions
Le pari est de préserver la dimension humaine de la médecine

C’est une révolution annoncée. Un patient maître de ses données de santé et sensibilisé à la prévention, des diagnostics facilités par l’intelligence artificielle, des traitements ciblés pour chaque cas, des infirmiers pour les interventions les moins invasives et des médecins devenus chefs d’orchestre de parcours de soins à l’efficience régulièrement évaluée et garants de la prise en compte de la relation humaine avec les patients : voilà comment peuvent se dessiner les grandes lignes de l’univers de la santé d’ici à 2030.

Ce bouleversement des pratiques qui devrait offrir à chacun le bénéfice d’une prise en charge optimale, c’est la promesse que permet une vague d’innovations sans précédent. Le LEEM, syndicat de l’industrie pharmaceutique, a recensé dans un document diffusé à l’automne 2019 ces formidables avancées technologiques et thérapeutiques : autour de 12 grandes pathologies et 14 vecteurs d’innovation, cette étude montre comment ces transformations dont beaucoup sont déjà engagées vont tout changer à la fois pour les patients et dans l’organisation de notre système de santé.

Bénéficier de l'accès aux meilleurs soins

« Les soins reposent encore sur un vieux modèle, nous attendons que survienne une crise cardiaque ou qu’une tumeur soit découverte à un stade avancé et trop souvent les patients viennent avec une maladie déjà bien installée », constate aujourd’hui le LEEM pour illustrer la nécessité de « changer de logique ». « Nous sommes face à une belle équation, une population qui va doubler d’ici à la fin du siècle, une capacité d’innovation démultipliée par l’intelligence artificielle et la nécessité de préserver un pacte social permettant à chacun de bénéficier de l’accès aux meilleurs soins », expliquait en septembre 2019 le président de ce syndicat, Frédéric Collet, en présentant dans l’émission « La Santé en Questions » sur Fréquence Médicale la contribution que représente Santé 2030, analyse prospective de l’innovation en santé.

Mais concrètement, comment l’utilisation massive des données pour aider à la prévention, au diagnostic, à la mise au point de nouveaux médicaments et à un meilleur ciblage des traitements, l’avancée de la génétique, les progrès scientifiques sur les microfluides, l’immunothérapie ou la médecine régénérative vont-ils permettre de mieux répondre aux défis auxquels doit répondre le monde de la santé ? Et ils sont nombreux ces défis : vieillissement de la population, montée des maladies chroniques, impacts environnementaux, accès aux soins et maîtrise des dépenses de santé, pour en citer que les plus importants.

Une nouvelle répartition des tâches

« Nous allons assister à une révolution en profondeur de la façon dont on traitera les patients avec une prise en charge globale du parcours de soins », annonçait le Pr Gilles Vassal, onco-pédiatre, dans l’émission « La Santé en Questions » de septembre 2019.

Le Pr Guy Vallancien, chirurgien urologue et promoteur de CHAM, le « Davos » de la santé, voit lui aussi comme première des tendances lourdes pour l’avenir « une nouvelle répartition des actes et des tâches sur davantage d’acteurs ». Mais il va bien plus loin : « Il faut faire monter en puissance les infirmiers, aller au-delà de ce qui se fait déjà avec les infirmiers de pratique avancée, ils doivent pouvoir intervenir dans l’établissements des diagnostics en s’appuyant sur l’intelligence artificielle et prendre en charge les soins les plus simples ! », proclame-t-il en s’indignant du temps encore consacré par les médecins à ces missions.

Et il n’hésite pas, à l’heure où les déserts médicaux pourraient être considérés comme une urgence à traiter avant de penser à ce que sera la santé dans les dix années à venir, à lancer une proposition iconoclaste : « C’est de la folie de vouloir augmenter le nombre de médecins, il faudrait à l’inverse le faire diminuer de 25 ou 30%, concentrer leur rôle sur les cas les plus complexes et là où le rapport entre le malade et son médecin est le plus important ! ». Selon lui, cela permettrait de dégager « plus de 5 milliards » d’économies à utiliser dans d’autres domaines. « L’innovation coûte cher, souligne en effet l’économiste Nicolas Bouzou, et l’amélioration du parcours de soins est une piste pour trouver de l’argent ».

La relation humaine prioritaire

Si ce parcours de soins, et le rôle du patient – « Il sera de plus en plus responsable, de plus en plus engagé », affirme le Pr Guy Vallancien- ne serait-ce qu’à travers l’utilisation de ses données de santé et de sa capacité à les nourrir à travers des objets connectés seront au cœur de cette révolution à venir, les changements doivent aussi intervenir dans l’accès à l’innovation. Transformer les mécanismes d’évaluation de ces innovations est inscrit dans les pistes d’action identifiées par le LEEM, et notamment « gagner en efficacité administrative pour permettre aux patients d’accéder plus vite aux traitements innovants ».

Mais si l’on rassemble toutes les composantes de l’innovation, la place des données, le rôle des algorithmes, les très hautes technologies utilisées et une nouvelle répartition des rôles « techniques » dans la prise en charge des malades, on peut s’interroger sur le risque de voir la médecine perdre une partie de sa dimension humaine. Serions-nous promis à n’être plus des malades écoutés et pris en charge mais des individus sur lesquels la médecine se contentera de connecter ses instruments de diagnostic et de soins ? « Tous ces éléments d’aide au travail des professionnels de santé, tous ces robots, vont permettre de libérer du temps pour que les médecins, au lieu d’agir en techniciens du corps, prennent le temps pour la compassion et l’humanisme médical dont les patients ont besoin », rassure le Pr Guy Vallancien qui pose toutefois une condition pour ne pas être démenti : « Il faut réapprendre aux étudiants en médecine que la relation humaine est prioritaire, leur imposer des cours de consultation ! ».

Sujet réalisé à partir du dossier du LEEM "100 questions sur le médicament"

Retrouvez ci-dessous la fiche du LEEM sur le thème "Comment serons-nous soignés en 2030 ?"

https://www.leem.org/100-questions/comment-serons-nous-soignes-en-2030