Indispensables à la pollinisation des fleurs sauvages et des cultures, les abeilles jouent un rôle essentiel dans notre écosystème. Selon une nouvelle étude, elles pourraient également être des alliées précieuses dans la lutte contre le cancer.
Dans une étude publiée dans la revue Nature Precision Oncology, des chercheurs du Harry Perkins Institute of Medical Research et de l'Université d'Australie occidentale (Australie) ont découvert le pouvoir du venin de ces insectes sur les cellules cancéreuses, et en particulier sur celles du cancer du sein triple négatif, c’est-à-dire sans aucun marqueur connu à la surface des cellules cancéreuses, et donc répondant difficilement aux thérapies ciblées.
Selon le Dr Ciara Duffy, auteure principale des travaux, il s’agit de la première étude depuis plus de 70 ans à analyser les propriétés anticancéreuses du venin d’abeille et d’un de ces composés, la mélittine. "Personne n'avait auparavant comparé les effets du venin d'abeille ou de la mélittine sur tous les différents sous-types de cancer du sein et sur les cellules normales, explique la chercheuse. Nous avons testé le venin d'abeille sur des cellules mammaires normales et sur des cellules des sous-types cliniques de cancer du sein : cancer du sein positif pour les récepteurs hormonaux, enrichi en HER2 (une protéine spécifique à une forme agressive du cancer du sein, ndlr) et triple négatif."
Une interruption des voies de signalisation des tumeurs
Pour analyser les propriétés anticancéreuses du venin d’abeille, les chercheurs ont recueilli le venin d’abeilles de Perth, en Australie, ainsi que d’autres populations d’abeilles en Irlande et en Angleterre, et de bourdons. Au total, 312 espèces ont été analysées. "J'ai constaté que l'abeille européenne en Australie, en Irlande et en Angleterre produisait des effets presque identiques dans le cancer du sein par rapport aux cellules normales. Cependant, le venin de bourdon était incapable d'induire la mort cellulaire, même à des concentrations très élevées", souligne la professeure adjointe Pilar Blancafort, qui a participé à l'étude.
Au contraire, le venin des abeilles s’est avéré être "extrêmement puissant", en induisant la mort de 100% des cellules cancéreuses, tout en ayant des effets minimes sur les cellules normales. "Nous avons découvert que la mélittine peut détruire complètement les membranes des cellules cancéreuses en 60 minutes", se réjouit le Dr Duffy.
Avec son équipe, elle a également constaté que la mélittine était capable de réduire en 20 minutes les messages chimiques des cellules cancéreuses. "Nous avons examiné comment le venin d'abeille et la mélittine affectent les voies de signalisation du cancer, les messages chimiques qui sont fondamentaux pour la croissance et la reproduction des cellules cancéreuses, et nous avons constaté que ces voies de signalisation étaient très rapidement interrompues."
Un effet combiné avec la chimiothérapie
L’effet de ce composé est particulièrement intéressant sur les cancers du sein triple négatif et sur les cancers HER2, deux formes agressives du cancer du sein. "La mélittine a modulé la signalisation dans les cellules cancéreuses du sein en supprimant l'activation du récepteur qui est couramment surexprimé dans le cancer du sein triple négatif, le récepteur du facteur de croissance épidermique, et elle a supprimé l'activation de HER2 qui est surexprimée dans le cancer du sein enrichi en HER2."
Pour l’équipe de recherche, ces premières conclusions sont d’autant plus encourageantes que la mélittine peut être utilisée en complément de médicaments de chimiothérapie comme le docétaxel pour améliorer la destruction des cellules cancéreuses. Testée sur des souris, cette combinaison s’est avérée "extrêmement efficace pour réduire la croissance des rumeurs", écrivent les chercheurs.
Désormais, ces derniers s’emploient à évaluer la méthode optimale d'administration de la mélittine, ainsi que les toxicités et les doses maximales tolérées pour traiter le cancer du sein.