Vladimir Poutine, le président russe, a annoncé à la mi-août que son pays a mis au point le premier vaccin contre la Covid-19. Cette déclaration a stupéfait les communauté internationale et soulevé une vague de scepticisme car aucune étude n'a été publiée. C'est désormais chose faite, sauf que les chercheurs russes ne présentent que les résultats de la phase I des essais cliniques. Dans cet article, publié le 4 septembre dans la revue britannique The Lancet, les scientifiques russes assurent que Spoutnik V, leur candidat-vaccin, ne provoque pas d'effets indésirables sérieux et qu'il génère une bonne réponse immunitaire. Un résultat encourageant mais trop embryonnaire pour en connaitre son efficacité.
Les auteurs de l'article expliquent avoir, entre le 18 juin et le 3 août dernier, procédé à deux essais sur une cohorte de 76 participants. Les volontaires - civils et militaires - sont principalement de jeunes hommes entre 20 et 39 ans. Malgré ces études à petit échantillon, non-randomisées et “ouvertes” - c'est-à-dire que les volontaires savaient ce qu'on leur injectait -, les auteurs de l'étude observent des résultats prometteurs.
Selon les chercheurs, Spoutnik V a rempli sa mission en stimulant des anti-corps - molécules capables de reconnaître un antigène - et des lymphocytes T - cellules chargées de détruire les autres cellules. Le candidat-vaccin “a induit de fortes réponses immunitaires humorales [adaptation et production d'anti-corps, NDLR] et cellulaires chez les participants, écrivent les auteurs de l'étude. Des réponses IgG ont été obtenues chez tous les participants, avec des titres moyens géométriques significativement plus élevés que ceux rapportés chez les personnes qui se sont rétablies du Covid-19.”
Spoutnik V : un candidat-vaccin à deux étages
Des résultats encourageants mais encore peu fiables. Les 76 participants ont été divisés en deux groupes de 38 personnes : l'un pour tester le candidat-vaccin sous forme congelé, l'autre sous forme lyophilisé. Si le candidat-vaccin obtient l'homologation et est commercialisable, il devrait être distribué sous forme congelé à grande échelle et sous forme lyophilisé pour être transporté dans les régions les plus reculées. Ensuite chaque groupe de 38 volontaires a de nouveau été divisé en trois sous-groupes : 9 personnes n'ont reçu que la première partie du vaccin, 9 autres uniquement la deuxième et les 20 participants restant ont eu la première partie puis, 21 jours ensuite, la seconde soit la forme fixée - pour l'instant - de Spoutnik V. Sur les 76 personnes qui ont participé aux essais cliniques, 40 ont eu une injection complète du candidat-vaccin.
“Un candidat-vaccin à deux étages pour plus d'efficacité, selon le Dr Denis Logunov, auteur principal de l'article et directeur de l'Institut de recherche d'épidémiologie et de microbiologie Gamaleya. Lorsque les vaccins adénovirus [famille de virus souvent utilisés dans les vaccin, NDLR] pénètrent dans les cellules des personnes, ils délivrent le code génétique de la protéine de pointe [clef d'entrée du virus pour d'entrer dans la cellule, NDLR] du SRAS-CoV-2 , ce qui amène les cellules à produire la protéine de pointe. Cela aide le système immunitaire à reconnaître et à attaquer le virus SRAS-CoV-2. Pour former une réponse immunitaire puissante contre le SRAS-CoV-2, il est important qu'une vaccination de rappel soit fournie, explique-t-il. Cependant, les vaccinations de rappel utilisant le même vecteur adénovirus pourraient ne pas produire de réponse efficace, car le système immunitaire pourrait reconnaître et attaquer le vecteur. Cela empêcherait le vaccin de pénétrer dans les cellules des personnes et apprendrait au corps à reconnaître et à attaquer le SRAS-CoV- 2. Pour notre vaccin, nous utilisons deux vecteurs d'adénovirus différents afin d'éviter que le système immunitaire ne devienne immunisé contre le vecteur.”
Les auteurs de l'article assurent avoir eu les autorisations pour entamer la phase III des tests cliniques. Cela va leur permettre de mesurer l'efficacité et les bénéfices/risques sur une plus large population. Pour cette dernière phase d'essai, ils comptent recruter 40 000 volontaires.