Les médicaments anticholinergiques sont-ils impliqués dans le développement de la maladie d’Alzheimer chez les patients à risque ?
C’est ce que suspectent des chercheurs de l’université de San Diego. Dans une étude publiée dans la revue Neurologie, ils apportent des preuves contre cette classe de médicaments largement prescrite et utilisée, notamment pour lutter contre les tremblements dans le cadre de la maladie de Parkinson.
Une classe de médicaments fréquemment prescrite
Les anticholinergiques sont des médicaments dont la fonction est de bloquer la liaison aux récepteurs de certaines cellules nerveuses de l'acétylcholine, un type de neurotransmetteur essentiel à la mémoire. Ils inhibent ainsi les impulsions nerveuses parasympathiques, qui sont impliquées dans de nombreux mouvements musculaires involontaires, tels que ceux du tractus gastro-intestinal et des poumons, et dans les fonctions corporelles comme la salivation, la digestion et la miction.
Pour évaluer leur implication dans la dégénérescence cognitive, les chercheurs ont mené des recherches sur 698 adultes d’une moyenne d’âge de 74 ans. Au début de l’étude, aucun participant ne présentait de problèmes cognitifs ou de mémoire. Chacun des participants a indiqué s'il prenait ou non des médicaments anticholinergiques : c’était le cas d’un tiers d’entre eux, avec une moyenne de 4,7 médicaments anticholinergiques par personne. Ils ont subi des tests cognitifs annuels complets pendant une période pouvant aller jusqu'à 10 ans.
Ceux qui prenaient au moins un médicament anticholinergique au départ présentaient 47% plus de risques de développer une légère déficience cognitive, qui est souvent un précurseur de la maladie d’Alzheimer.
Une augmentation significative du risque d’Alzheimer
Les scientifiques ont également cherché à savoir si les participants présentaient des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer dans leur liquide céphalorachidien, tels que certains types de protéines, ou un facteur de risque génétique identifié. Ils ont constaté que les participants présentant des biomarqueurs d’Alzheimer et prenant des médicaments anticholinergiques avaient quatre fois plus de risques de développer une déficience cognitive légère que les personnes ne présentant pas de biomarqueurs et ne prenant pas les médicaments.
De même, les personnes présentant un risque génétique de la maladie d’Alzheimer et qui prenaient des médicaments anticholinergiques avaient environ 2,5 fois plus de risques de développer une déficience cognitive légère.
"Nous pensons que cette interaction entre les médicaments anticholinergiques et les biomarqueurs du risque d'Alzheimer agit de manière doublement positive, avance Alexandra Weigand, principale autrice des travaux. Dans le premier cas, les biomarqueurs d'Alzheimer indiquent que la pathologie a commencé à s'accumuler et à dégénérer dans une petite région appelée le cerveau antérieur basal qui produit la substance chimique acétylcholine, qui favorise la pensée et la mémoire. Dans le second cas, les médicaments anticholinergiques épuisent encore plus les réserves d'acétylcholine du cerveau. Cet effet combiné a un impact très important sur la pensée et la mémoire d'une personne."
Des travaux supplémentaires sont désormais nécessaires pour examiner les effets cérébraux et cognitifs des médicaments anticholinergiques et pour savoir si ces médicaments accélèrent les changements cognitifs liés à l'âge ou s'ils conduisent directement à la maladie d’Alzheimer. Dans tous les cas, ces résultats indiquent qu’il est nécessaire de réduire la consommation d’anticholinergiques, en particulier pour les personnes présentant un risque de développer une maladie neurodégénérative. "Il est important pour les personnes âgées qui prennent des médicaments anticholinergiques de consulter régulièrement leur médecin et de discuter de l'utilisation et des dosages des médicaments", conclut Alexandra Weigand.