Il a suffi qu’émerge fin 2019-début 2020 un coronavirus baptisé SARS-CoV-2 pour que le monde de la santé se retrouve presque en état de sidération. Et pourtant le risque était connu. Depuis quelques décennies, les apparitions de nouvelles maladies virales s’accélèrent : grippe de Hong-Kong en 1968, VIH en 1981, SRAS en 2003, chikungunya en 2005, MERS en 2012, Ebola en 2014, zika en 2016.
La science-fiction et les « films catastrophe » avaient depuis longtemps écrit le scénario de la crise que connait le monde avec la Covid-19. Et dans la réalité, l’épidémie de SIDA qui a causé depuis son apparition plus de 32 millions de morts avait montré que la médecine pouvait être prise en dépourvu face à un nouvel agent pathogène : il a fallu plus de 13 ans avant que les trithérapies permettent de la contrôler au-delà du respect de simples mesures de précaution.
Des équilibres naturels perturbés
Dans un monde « protégé » par des vaccins et les antibiotiques, on aurait pourtant pu croire que nos sociétés avaient pris le dessus face à la menace que représentent virus et bactéries. La crise du coronavirus montre que ce n’était qu’une illusion. Comme si les sociétés modernes pouvaient connaître sans conséquences une hausse de la population mondiale qui pourrait atteindre près de 10 milliards d’individus en 2050, une urbanisation qui s’accélère en multipliant les zones de forte densité humaine, une circulation intense des personnes et une dégradation de l’environnement qui perturbe les équilibres naturels –le biologiste Gabriel Laporta explique ainsi dans The Lancet le lien entre déforestation et malaria- , sans que cela ouvre la porte à l’émergence et à la diffusion de redoutables agents infectieux.
Ces données démographiques et environnementales sont des tendances lourdes qui, même si elles aboutissent à une prise de conscience collective de certains excès, ne vont pas s’inverser rapidement. Il est donc presque inévitable de prédire l’apparition d’autres maladies infectieuses et le risque de nouvelles pandémies.
Une nécessaire collaboration internationale
La crise du coronavirus montre bien que ce danger est permanent. Il est d’ailleurs déjà pris en compte par de nombreux instituts qui travaillent sur les défis sanitaires liés aux virus et bactéries. L’Institut Pasteur coordonne ainsi un réseau de 32 structures réparties dans le monde entier qui collaborent sur des projets internationaux de recherche et de santé publique. Car, comme le souligne le LEEM (le syndicat français de l’industrie pharmaceutique), « à l’heure où la circulation rapide des biens et des personnes fait que les risques de crises sanitaires se multiplient, il faut une surveillance et une organisation internationales permettant une collaboration étroite et rapide entre les états ».
« En France, nous avons un système de veille sanitaire qui dépend d’un centre européen situé à Stockolm qui lui-même partage les informations issues d’organismes internationaux », explique le Dr Christophe Rapp qui insiste sur la nécessité de multiplier les niveaux d’information entre les états pour faire face à la menace.
L'accélération de la recherche
Une coordination internationale qui, dans le cas du coronavirus, a aussi concerné la recherche, ce qui s’est traduit par une incroyable accélération du rythme des études permettant d’avancer sur la connaissance du virus comme sur les modes de prise en charge et les traitements. Avec un bémol que souligne le Dr Rapp : « Une des grandes leçons de cette épidémie, c’est qu’en matière de recherche, il ne faut jamais oublier les principes de base et respecter une méthodologie sinon on risque d’avoir des résultats inexacts ! Le temps de la recherche en peut pas être celui de la gestion clinique et que ce soit pour des traitements ou un vaccin, on ne peut pas déroger aux étapes de la recherche clinique ».
En revanche, la réponse sanitaire à apporter lorsqu’une épidémie se déclenche, doit être prioritairement basée sur le système de santé de chaque pays. « Nous avons en France un plan qui existe contre les agents pathogènes émergents, mais on a beau avoir une doctrine, il faut savoir s’adapter, notamment en fonction du mode de transmission », précise Christophe Rapp.
Agir contre l'antibiorésistance
L’autre enjeu concernant les maladies infectieuses est celui qui est lié à l’émergence de bactéries ultra-résistantes qui limitent la capacité de la médecine à traiter les patients atteints. « Une vingtaine d’entreprises du médicament se sont réunies pour créer un fonds d’action contre l’antiobiorésistance doté d’un milliard de dollars et qui a pour objectif la mise sur le marché d’ici à 2030 de traitements innovants autorisant un changement significatif de la pratique clinique », annonce le LEEM.
Structures de santé publique, chercheurs et cliniciens et industrie restent donc mobilisés sur ce sujet des maladies infectieuses qui n’ont sûrement pas dit leur dernier mot. Le défi est de taille de trouver les meilleures réponses face à une flore microbienne qui, si elle participe positivement au développement de notre système immunitaire et à l’équilibre de notre métabolisme, risque aussi à tout moment de produire le pire ennemi de toute l’humanité.
Sujet réalisé à partir du dossier du LEEM "100 questions sur le médicament"
Ci-dessous le lien vers la fiche du LEEM "Les maladies infectieuses vont-elles proliférer ?":
https://www.leem.org/100-questions/les-maladies-infectieuses-vont-elles-proliferer