- Contrairement à ce que suggéraient de précédents travaux, la Covid-19 ne semble pas déclencher une réponse exacerbée du système immunitaire appelée "orage de cytokines".
- Les recherches montrent que le taux de cytokines de patients admis aux soins intensifs pour une infection à la Covid-19 sont similaires à ceux admis après un traumatisme ou un arrêt cardiaque.
La Covid-19 est-elle aggravée par ce que les scientifiques appellent "l’orage cytokinique", une violente réponse inflammatoire du système immunitaire et qui peut, dans certains cas, se révéler mortelle ?
Alors qu’en avril dernier, une étude menée par des chercheurs de l'University College London Hospitals (Royaume-Uni), suggérait qu’une majorité de patients ayant développé une forme grave de Covid-19 étaient aussi touché par un syndrome de choc cytokinique, de nouveaux travaux de l’université Radboud (Pays-Bas) publiés dans la revue JAMA, montrent au contraire que la Covid-19 n’est pas caractérisée par un orage cytokinique. Selon ses auteurs, cela pourrait avoir des conséquences sur le traitement des patients.
Quand le système immunitaire s’emballe
Un orage cytokinique se caractérise par une production excessive de cytokines déclenchée par un agent pathogène d'une virulence extrême et qui se manifeste par une violente réponse inflammatoire du système immunitaire.
Les cytokines sont des molécules polypeptidiques — notamment sécrétées par des cellules telles que les lymphocytes et les macrophages et qui sont impliquées dans la régulation des réponses immunitaires. Elles sont libérées par l’organisme en cas d’attaque par un agent pathogène. Mais il arrive que le système immunitaire "s’emballe" en sécrétant un nombre trop important de cytokines, qui créent alors des lésions dans les tissus. Cette réponse immunitaire inadaptée est particulièrement novice et s’avérer fatale.
Dans le cas de la Covid-19, de précédentes études établissaient l’hypothèse que l’orage cytokinique contribuait à la gravité de la maladie. Ces nouveaux travaux montrent que ce n’est pas toujours le cas.
Pas plus de cytokines que lors d’un arrêt cardiaque
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs du département de soins intensifs du centre médical universitaire de Radboud ont mesuré la concentration de trois cytokines essentielles dans le sang des patients admis aux soins intensifs avec plusieurs affections distinctes : certains étaient atteints de Covid-19, d’autres souffraient d’une infection respiratoire aiguë sévère, d'un choc septique bactérien (avec ou sans infection respiratoire aiguë sévère), et enfin d’autres ont été admis des patients après un arrêt cardiaque ou un traumatisme grave. Les taux de cytokines ont été mesurée en utilisant les mêmes méthodes pour chacun des groupes de patients.
Parmi ces cinq groupes de patients, il s’est avéré que le niveau de cytokines était significativement moins élevé chez les patients atteints de Covid-19 que ceux souffrant de choc septique ou d’une infection respiratoire aiguë sévère. Par rapport aux patients en choc septique sans infection respiratoire, donc sans maladie pulmonaire grave, les patients atteints de Covid-19 présentaient également des niveaux de cytokines nettement plus faibles.
En réalité, "les concentrations de cytokines chez les patients Covid-19 étaient similaires à celles des patients en soins intensifs ayant subi un traumatisme ou un arrêt cardiaque, conditions qui ne sont pas notées pour une tempête de cytokines", explique le co-auteur des travaux Matthijs Kox.
Pour Peter Pickkers, professeur de médecine des soins intensifs, "la maladie grave observée chez les patients gravement malades atteints de Covid-19 ne s'explique donc pas par des niveaux fortement élevés de protéines inflammatoires dans le sang. Cela signifie que les patients gravement malades atteints de Covid-19 ne bénéficieront probablement pas de thérapies anticytokines spécifiques".