L'image de l'adolescent mal dans sa peau est en réalité en France celui d'une adolescente. C'est que ce montre, les résultats publiés ce 4 septembre des auto-questionnaires remplis en 2017 par 6 841 élèves de 3e dans le cadre de l'Enquête nationale de santé en milieu scolaire menée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Une première. Ce questionnaire visait à mesurer leur détresse psychique, leur consommations de substance psychoactive (alcool, tabac, cannabis), les blessures cutanées auto-infligées, les problèmes de comportements alimentaires, les agressions subies - comme des moqueries, insultes, violences physiques ou racket -, les pensées suicidaires et tentatives de suicides. Une approche basée sur les comportements plutôt que sur l'humeur, "souvent fluctuants à cet âge" explique les auteurs de l'étude.
Le constat est sans appel : 3 adolescents garçons sur 4 déclarent ne rencontrer aucun problème de détresse psychique contre la moitié seulement des adolescentes. Les jeunes filles sont sur-représentées dans les catégories les plus vulnérables à la souffrance psychique. Un résultat concordant avec les autres enquêtes de santé mentale chez les adultes où les femmes déclarent une santé psychique plus dégradée. L'indicateur de la qualité du sommeil donne le même résultat : 25% des adolescentes déclarent avoir un sommeil de mauvaise qualité contre 10% des adolescents. Quant aux troubles alimentaires, si "se faire vomir" volontairement "souvent" demeure exceptionnel (1%), l'acte de rendre son repas concerne deux fois plus les collégiennes (6,5%) que les collégiens (moins de 3%). Quant aux pensées suicidaires, elles sont deux fois plus importants chez les filles (14%) que les garçons (7%). Un rapport qui se maintient dans les tentatives de suicide qui sont davantage commis par les adolescentes (5,5%) que les adolescents (2,5%).
13% des élèves en souffrance psychique
Les analystes ont ensuite classé les collégiens, selon les "points" totalisés par leurs réponses, en 6 "classes". La 1ère classe regroupe les élèves avec une "très bonne santé mentale" soit l'ensemble des indicateurs mesurés sont au meilleur pour plus de 90% d'entre eux, "sauf concernant le sommeil où seulement 29% du groupe n'a eu aucune difficulté citées soit quand même trois fois plus que l'ensemble des élèves de 3e" précise les auteurs de l'étude. 28% des collégiens se classent dans cette (bonne) catégorie, les garçons représentent 64% des effectifs. La 2ème classe de "bonne santé mentale" regroupe 16% des effectifs est composée de part égal d'adolescents que d'adolescentes, ils ont des scores un peu moins bons. Ces deux "classes" de "bons" élèves représentent 44% des auto-questionnaires.
40% des élèves s'inscrivent dans les classes 3 et 4 et présentent un "mal-être pondéré" notamment à cause de mauvais scores en terme de détresse psychique et de comportements alimentaires.
13% des élèves sont dans la catégorie la plus inquiétante de "mal-être extrême" regroupent les classe 5 et classe 6. La santé mentale des élèves y est respectivement qualifiée de "dégradée" (8% des effectifs) et de "très mauvaise" (5% des élèves). Là les auteurs de l'étude notent une sur-représentation des adolescentes, moins de famille nucléaire, avec une moins bonne hygiène de vie, davantage de consommation de psychotrope, des "atteintes subies" plus fréquents et plus d'absentéisme scolaire. Cependant, les deux classes représentent des réalités sociales différentes. La classe 5 où la détresse psychique est élevée, est composée à 2/3 de jeunes filles qui souffrent de problèmes de sommeil et des pensées suicidaires, mais présente des comportement alimentaires "moins graves". Près d'un adolescent sur 4 appartenant à cette classe de "santé mentale dégradée" a des parents cadres. Il est donc issu d'un milieu favorisé. Tandis que les élèves appartenant à la classe 6 est composé à 70% d'adolescentes. Ce dernier groupe souffre de comportements alimentaires plus extrêmes - dont le vomissement volontaire -, subit également des actes "auto agressifs répétés" et davantage de tentatives de suicide. Là, les cadres ne représentent que 15% des parents, soit un résultat proche de leur poids dans la population active (17%).
Refus de certains collèges parisiens
Face à ces données, les auteurs de l'étude tentent de tisser des liens entre les différents indicateurs pour mieux comprendre le passage à l'acte. Cependant le choix des établissements et parfois leur refus de participer à cette étude ne permet pas de tirer des analyses de la santé mentale des collégiens en fonction de la géographie ou du type d'établissement (privé/publique). À la base, 1 173 établissements ont été tirés au sort, mais les collèges de l'éducation prioritaires étaient sur-représentés et uniquement 925 ont accepté de participer. 10% des collèges du privé ont refusé cet auto-questionnaire contre 5% en moyenne dans le public.
Ce blocage s'est également matérialisé à Paris - dont 28% de la population est composée de cadres. Parmi les collèges de la capitale, 82% des questionnaires n'ont pas été remplis. Ce taux monte à 100% des établissements privés parisiens. "On constate cependant que les résultats du questionnaire principal ne différent guère entre le groupe des répondants à l’auto-questionnaire et celui des non-répondants. La sous-représentation du privé, plus spécifiquement d’Île-de-France, n’a pas permis, toutefois, de mener des analyses par type de territoire ou selon le statut du collège."