La transplantation fécale comporte peu de danger et certaines bactéries qu'elle contient pourraient aider à soigner la maladie de Crohn. Ce sont les conclusions auxquelles aboutissent les chercheurs français coordonnés par l'Université de la Sorbonne et l'Institut national de la science et de la recherche médicale (Inserm). Ces deux études ont été publiées dans les revues Microbiome, et Gastroenterology.
La maladie de Crohn est une maladie gastro-intestinale chronique résultant de l’interaction dysfonctionnelle entre la susceptibilité génétique, le système immunitaire et le microbiote intestinal commensal [micro-organismes qui colonisent l'organisme sans provoquer de maladie, NDLR]. Ne pouvant ni modifier l'héritage génétique d'une personne, ni son système immunitaire, les chercheurs se sont intéressés à la piste du microbiote. Cette flore intestinale interagit avec notre organisme en assurant la fermentation de substrats non digestibles, facilitant l'assimilation des nutriments, ou en participant à la synthèse de certaines vitamines, rappelle l'Inserm.
Ce microbiote intestinal colonise surtout le côlon. "On sait que dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, le microbiote est anormal comparé à un sujet sain. C'est-à-dire qu'on constate une augmentation ou une diminution de certaines bactéries et une altération de certaines fonctions ou sécrétions microbiennes chez les sujets malades, explique Harry Sokol directeur de recherche et auteur des deux études à Futura sciences. Finalement, on s'est rendu compte du rôle causal du microbiote chez les modèles animaux en modifiant le microbiote et en constatant les effets sur l'inflammation intestinale. De même, le microbiote d'une personne souffrant de maladie inflammatoire de l'intestin, lorsqu'il est transplanté chez la souris, favorise l'inflammation."
La piste de la transplantation fécale
Ainsi les chercheurs ont décidé d'étudier la possibilité de réaliser une transplantation fécale - riche en microbiote -, et tenter d'analyser quelles bactéries dans ce microbiote avaient un rôle dans la rémission de la maladie de Crohn. Dans la première étude, les scientifiques ont rassemblé 17 patients atteints de maladie de Crohn. Huit d'entre eux ont eu une transplantation de microbiote fécale, 9 autres ont subi une fausse intervention chirurgicale. Il en résulte que malheureusement le microbiote sain n'a pas colonisé à la hauteur espérée son nouvel habitat. Cependant, les chercheurs observent que cette greffe a aidé au maintien de la rémission de la maladie et qu'aucun effet secondaire préoccupant n'a été relevé. Un résultat encourageant mais face auquel les auteurs ne veulent pas s'emballer : "le microbiote n'est pas la panacée et comme toute intervention, la transplantation fécale a ses risques" atténue Harry Sokol auprès de Futura-sciences. Ainsi le microbiote ne serait qu'un composant de l'équation parmi d'autres.
Dans la seconde étude, les chercheurs ont voulu savoir comment cette transplantation fécale aidait la rémission. Pour cela, ils ont décidé d'analyser la compositions des selles avant et après la greffe. "Nous constatons que la transplantation fécale avait un effet à long terme significatif sur les compositions microbiennes des patients, bien que cela soit principalement dû à la greffe d'espèces donneuses qui sont restées à faible abondance", écrivent-ils. Ils ont observé que certaines catégories de bactéries avaient un effet positif alors que d'autres étaient au contraire délétères. Ils assurent que certains microbiotes ont coexisté tandis que dans d'autres certaines souches en ont remplacé d'autres. Un nouveau champs d'étude s'impose pour mieux comprendre la plasticité du microbiote ainsi que le rôle exacte des bactéries dans la maladie de Crohn.