Touchant plus de 300 millions de personnes selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), soit 7% de la population mondiale, la dépression est une maladie mentale associée à une perturbation du fonctionnement du cerveau. Aussi, un traitement médicamenteux est absolument nécessaire pour éviter que n’empire ce trouble psychique, synonyme de profond mal être et à l’origine de nombreux suicides.
S’il existe de nombreuses classes de médicaments pour soigner la dépression, notamment des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), tels que le Prozac et la Fluoxétine, il faut en général des semaines, voire des mois, avant qu’ils ne fassent effet. Cela signifie alors pour les patients devoir longuement composer avec un traitement avant de s’avoir s’il s’avérera efficace, car seuls 50% d’entre eux répondent en moyenne au traitement antidépresseur initial. Dans la moitié des cas, les médecins doivent changer de stratégie de traitement et attendre à nouveau une réponse pendant quatre semaines.
Des chercheurs de l’université de Bâle (Suisse) ont peut-être trouvé comment réduire ce temps de réponse au traitement. Dans une étude présentée au congrès du Collège européen de neuropharmacologie, ils expliquent avoir découvert que mesurer les ondes cérébrales produites par le cerveau pendant le sommeil paradoxal permettrait de prédire si un patient répondra ou non au traitement contre la dépression.
"En termes réels, cela signifie que les patients, souvent au plus profond du désespoir, n'ont pas besoin d'attendre des semaines pour voir si leur traitement fonctionne avant de le modifier", explique le Dr Thorsten Mikoteit, qui a dirigé les travaux.
Recevoir plus tôt le bon traitement
L’équipe de recherche a mené un essai randomisé sur 37 patients souffrant de dépression grave. Tous ont été traités avec des antidépresseurs, mais 15 ont été assignés au groupe de contrôle, tandis que les 22 autres ont participé à la surveillance de leurs ondes cérébrales pendant leur sommeil. Les psychiatres participant à l’étude devaient interpréter les ondes cérébrales pour déterminer si le traitement fonctionnait et, si ce n’était pas le cas, le modifier. L'objectif global était de voir une réduction de 50 % des symptômes de la dépression, mesurée par l'échelle standard de dépression de Hamilton.
Les médecins ont testé les patients dès une semaine après le début du traitement, pour voir si les ondes cérébrales indiquaient que le traitement antidépresseur était susceptible d'être efficace. Les patients dont le traitement n'était pas susceptible d'être efficace ont immédiatement reçu un autre traitement. Au bout de cinq semaines, les chercheurs ont constaté que 87,5% de ces patients répondaient mieux au traitement reçu, contre seulement 20% des patients du groupe de contrôle.
Traiter en priorité les patients à risque
"Il s'agit d'une étude pilote, mais elle montre néanmoins des améliorations assez significatives. Nous avons pu montrer qu'en prédisant la non-réponse aux antidépresseurs, nous avons pu adapter la stratégie de traitement plus ou moins immédiatement : cela nous permet de raccourcir sensiblement la durée moyenne entre le début du traitement antidépresseur et la réponse, ce qui est vital, en particulier pour les patients gravement déprimés", détaille Thorsten Mikoteit. L’objectif premier est de traiter les patients considérés comme "les plus à risque, par exemple ceux qui risquent de se suicider, beaucoup plus rapidement que nous ne pouvons le faire actuellement. Si l'efficacité de cette mesure est confirmée, elle permettra de sauver des vies", affirme le scientifique.
La prochaine étape des recherches est de réitérer l’expérience sur un nombre plus important de patients, ce qui n’est pas sans difficultés. "Les patients doivent être dans une situation où leur sommeil paradoxal peut être surveillé, ce qui nécessite plus de soins que de simplement donner une pilule et attendre de voir ce qui se passe. Cela signifie que la surveillance du traitement sera plus coûteuse, bien que nous prévoyions que cela sera compensé par la possibilité de donner le bon traitement beaucoup plus tôt. Nous travaillons sur les moyens de rationaliser ce processus", concluent les chercheurs.