L’immunothérapie ne vise pas directement la tumeur. Elle agit principalement sur le système immunitaire du patient pour le rendre apte à attaquer les cellules cancéreuses. Elle repose sur les anticorps monoclonaux, notamment les inhibiteurs de points de contrôle (anti-PD-1, anti-PD-L1, anti-CTLA-4), les anticorps bispécifiques, le transfert adoptif de cellules (Car-T cells) ou encore la vaccination antitumorale.
Des patients en rémission complète
L’immunothérapie anticancéreuse constitue une véritable innovation thérapeutique de rupture. Ces traitements ont permis d’obtenir des rémissions de longue durée dans des cancers tels que le mélanome métastatique. "Depuis maintenant 15 ans, on a des données à 5 ans avec des patients en rémission complète", se félicite Gérard Zalcman, Professeur de pneumologie, oncologue thoracique et spécialiste du cancer du poumon.
"On peut aussi bien sûr parler des cancers thoraciques, pour lesquels l’immunothérapie a désormais des indications dans pratiquement toutes les formes", poursuit l’expert. Gérard Zalcman détaille : "concernant le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), l’immunothérapie a donné des résultats de survie à long terme qui sont très spectaculaires, avec des rémissions quasi complètes à trois ans, ce qui n’avait jamais été vu avec la seule chimiothérapie. A propos des cancers bronchiques à petites cellules (CBPC), pour lesquels on faisait la même chimiothérapie depuis 30 ans, l’avènement de l’immunothérapie a permis d’améliorer les choses, en augmentant la survie à long terme dans les formes métastasiques. Enfin, pour le mésothéliome (une tumeur thoracique), l’immunothérapie a constitué une avancée majeure, avec une amélioration de la survie très significative et spectaculaire par rapport à la chimiothérapie."
L’immunothérapie n’est pas réservée au seul traitement du cancer. Elle est aussi utilisée pour stimuler le système immunitaire contre divers agents infectieux, notamment chez les patients dont l’immunité est affaiblie (HIV, patients après chimiothérapie ou radiothérapie). Elle peut également être employée pour traiter les déséquilibres du système immunitaire dans le cas de maladies comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques... L’objectif est de bloquer les réponses immunitaires en complément de traitements immunosuppresseurs classiques.
Les enjeux de demain
De ce fait, "l’immunothérapie sera sûrement l’une des thérapies les plus utilisées dans les années qui viennent", analyse Gérard Zalcman , avant d’ajouter : "mais il reste de nombreux progrès à faire dans ce domaine, car ce n’est par un traitement miracle, il ne faut pas le survendre".
Il reste notamment à déterminer ce qui entraîne la réponse à un traitement d’immunothérapie particulier chez un patient donné. En effet, en dehors du mélanome ou du lymphome hodgkinien, où les taux de réponses sont élevés (respectivement 40% et 60%), le pourcentage de patients répondeurs à ces immunothérapies en monothérapie est en général d’environ 15%. L’un des défis actuels est donc d’identifier les biomarqueurs associés à la réponse, pour éviter d’exposer inutilement les patients, mais surtout pour comprendre les mécanismes de résistance afin d’adapter la stratégie thérapeutique.
"C’est l’enjeu de demain. Le gros problème est que nous ne disposons pas de biomarqueurs prédictifs d’une efficacité absolue, loin de là. On a des choses qui sont relativement imparfaites, comme l’expression de la protéine contre laquelle sont dirigées la plupart des immunothérapies, qu’on appelle « PD-L1 ». On peut avoir des PD-L1 négatifs sur la tumeur et pour autant de très belles réponses, et à l’inverse on a des inefficacités observées alors même qu’il y a une forte expression du PD-L1", explique l’oncologue thoracique. "La charge mutationnelle a aussi été une grosse déception en matière de prédiction, et les signatures d’expression de gènes relèvent encore de la recherche. Dans le poumon, on sait quand même que ce sont les tumeurs les moins rapidement évolutives qui peuvent bénéficier le plus de l’immunothérapie en monothérapie".
L’essai clinique, multicentrique international de phase 2 baptisé Keynote-158 , dont les premiers résultats viennent d’être publiés dans le Lancet Oncology, contribue aussi à définir un nouveau biomarqueur, pertinent pour déterminer les patients susceptibles de bénéficier d’un traitement par pembrolizumab, une immunothérapie anti-PD-1. "L’hypothèse, qui n’est pas formellement démontrée en clinique, est que plus il y a de mutations dans le génome de la tumeur, plus la cellule tumorale produit des protéines anormales, susceptibles d’être reconnues par le système immunitaire du patient", explique Aurélien Marabelle, directeur clinique du programme d’immunothérapie de Gustave Roussy.
Par ailleurs, la réponse à un traitement unique d’immunothérapie (monothérapie) est parfois atypique et n’est pas toujours facile à appréhender selon les critères habituels d’évaluation de la réponse à un traitement. Ainsi, même en cas de non-réponse, le traitement peut tout de même apporter un bénéfice au patient. La réponse peut aussi tarder et la tumeur régresser longtemps après le début du traitement voire après l’arrêt du traitement. Enfin, dans d’autres cas, il semble n’y avoir aucune réponse mais, lorsque le patient reçoit un autre traitement – une chimiothérapie par exemple –, la réponse à ce dernier est fortement augmentée. "Il s’agit de mieux appréhender ces mécanismes", explique le Leem.
Des effets indésirables
Enfin, ces nouvelles approches immunothérapies ne sont pas dénuées de toxicités liées à l’activité du système immunitaire, élevée ou excessive, qui peut entraîner des réactions auto-immunes (c’est-à-dire que le système immunitaire attaque ses propres cellules qu’il reconnaît comme étant étrangères à l’organisme). A l’avenir, "mieux maîtriser ces toxicités sera primordial", poursuit le Leem.
Gérard Zalcman conclut : "comme pour tous les médicaments efficaces, il y a des effets indésirables, même si il y a 50% d’effets indésirables en moins par rapport à une chimiothérapie. Il y a principalement des effets sur le taux d'hormones thyroïdiennes, des inflammations au niveau du colon qui donnent des diarrhées, et enfin des inflammations pulmonaires. Tous les organes peuvent être touchés, mais cela ne concerne que 1 à 5% des patients traités au grand maximum."
Sujet réalisé à partir du dossier du LEEM "100 questions sur le médicament".
Retrouvez ci-dessous les fiches du LEEM sur les thèmes "Immunothérapie, la nouvelle frontière ?":
https://www.leem.org/100-questions/immunotherapie-la-nouvelle-frontiere