Avant l’arrivée d’un futur vaccin ou d’un traitement efficace, l’immunité collective représente une porte de sortie de crise crédible. Des chercheurs britanniques ont récemment estimé que la population déjà immunisée contre la Covid-19 nous rapproche plus que ce que nous croyons de l'immunité collective. À Manaus, au nord du Brésil, celle-ci viendrait d’être atteinte avec 66% de la population qui posséderait des anticorps contre le virus. Cette affirmation résulte de la pré-publication d’une étude menée par 34 chercheurs brésiliens et internationaux. Sur ce sujet, les scientifiques et chercheurs ne sont pas tous d’accord sur comment atteindre cette fameuse immunité collective.
Pour l'Institut Pasteur, 70% de la population doit être immunisée pour parvenir à l’immunité collective
L’immunité collective correspond “au pourcentage d’une population donnée qui est immunisée/protégée contre une infection à partir duquel un sujet infecté introduit dans cette population va transmettre le pathogène à moins d’une personne en moyenne, amenant de fait l’épidémie à l’extinction, car le pathogène rencontre trop de sujets protégés”, a décrit l’Institut Pasteur dans un communiqué publié le 9 septembre dernier. Celle-ci peut être atteinte de deux manières : par infection naturelle ou par vaccination.
Pour calculer le niveau d’immunité nécessaire pour que celle-ci devienne collective, il faut regarder le nombre de reproduction de base de la maladie - R0. Cela correspond au nombre moyen de personnes qu’un infecté va contaminer après contact. “Plus ce taux de reproduction de base est élevé, plus le pourcentage de sujets immunisés doit être élevé. Par exemple, le R0 de la grippe saisonnière = 2 ; de Covid-19 = 3,3 ; de la rougeole = 12-20”, précise l’Institut Pasteur. Selon ses calculs, c’est donc 70% de la population qui doit être immunisé pour parvenir à l’immunité collective.
L’immunité croisée, l’espoir
Tous les scientifiques ne s’accordent pas sur ce chiffre de 70% de la population immunisée contre le virus. Dans un article paru dans la revue Nature Reviews Immunology le 9 septembre dernier, deux chercheurs de l’Institut Pasteur affirment que l’immunité collective pourrait être atteinte dès la présence d’anticorps durable chez 50% de la population. Un seuil atteignable non sans conséquence puisque les chercheurs estiment que pour atteindre ce niveau, il faudrait compter entre 100 000 et 450 000 morts en France.
Autre frein à la stratégie pour mettre fin à la pandémie grâce à l’immunité collective: les cas de réinfections. Pour l'heure, une première contamination ne suffirait pas à développer des anticorps pour nous protéger durablement contre le virus. À la mi-août, un homme, testé positif à la Covid-19 une première fois en mars, aurait à nouveau contracté le virus sans développer de symptômes. À ce sujet, les connaissances scientifiques ne sont pas suffisantes pour savoir jusqu’à quel point nos anticorps nous protègent, ni pour combien de temps. Selon les études, la durée de l’immunité varie de quelques semaines à plusieurs mois, voire encore plus longtemps pour d’autres.
Du côté positif, l’immunité croisée pourrait être un accélérateur vers l’immunité collective. Une étude allemande publiée dans la revue Nature fin août estimait que l’exposition antérieure à des coronavirus du rhume permettait à certains individus de posséder des cellules immunitaires contre le SARS-CoV-2. En outre, et c’est un des arguments utilisé par les trois chercheurs britanniques, l’immunité collective pourrait être atteinte plus tôt que prévue : le taux d’immunité est calculé grâce aux tests sérologiques, or, ces tests seraient incomplets et sous-estimeraient la “séroprévalence du SARS-CoV-2”. De plus, tous les anticorps engendrés par une première infection ne seraient pas recherchés.