Depuis une dizaine d’années, l’immunothérapie à base de CAR-T cells a révolutionné le traitement clinique contre les formes sévères de cancer. Ce traitement, qui consiste en une reprogrammation des cellules immunitaires d’un patient pour qu’elles reconnaissent et éliminent les cellules malades ou infectées spécifiques, permet aussi des avancées notables dans la lutte mondiale contre le VIH.
Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Medicine, des chercheurs de la Perelman School of Medicine de l'université de Pennsylvanie et de la Harvard Medical School (États-Unis) décrivent une nouvelle immunothérapie permettant de lutter contre l’infection par le VIH. Reposant sur des Dual CAR-T cells, un nouveau type de cellule immunitaire, elle permet à l’organisme de devenir résistant à l’infection.
“Cette étude met en évidence la façon dont des modifications relativement simples dans la façon dont les cellules-T sont modifiées peuvent entraîner des changements spectaculaires dans leur puissance et leur durabilité, explique le professeur de biologie James Riley, qui a dirigé les travaux. Cette découverte a des implications importantes pour l'utilisation des cellules T modifiées pour combattre à la fois le VIH et le cancer.”
Un nouveau type de cellules CAR-T
À l’heure actuelle, seule une thérapie antirétrovirale permet de contrôler l’infection au VIH, mais pas de la guérir. L’obstacle majeur à cette guérison est le réservoir viral, c'est-à-dire les copies du VIH cachées dans le génome des cellules infectées. Si le traitement antirétroviral est arrêté, le virus est capable de faire rapidement de nouvelles copies de lui-même, ce qui conduit finalement au développement du Sida.
Les groupes de recherche, dirigés par les professeurs James Riley et Todd Allen, ont travaillé conjointement pour concevoir une nouvelle CAR-T cell spécifique au VIH dont l’objectif est multiple. D’abord cibler et éliminer rapidement les cellules infectées par le VIH, puis survivre et de se reproduire dans l’organisme, mais aussi résister à l'infection par le VIH lui-même, puisque le VIH cible lui aussi ces cellules immunitaires.
Appelée Dual CAR-T cell, cette nouvelle cellule immunitaire a été fabriquée en transformant deux CAR-T celles en une seule. Chaque CAR-T cell possède une protéine CD4 qui lui permet de cibler les cellules infectées par le VIH et un domaine costimulateur, qui signale à la CAR-T cell d'augmenter ses fonctions immunitaires. La première CAR-T contient le domaine costimulateur 4-1BB, qui stimule la prolifération et la persistance des cellules, tandis que la seconde possède le domaine costimulateur CD28, qui augmente sa capacité à tuer les cellules infectées.
Comme le VIH infecte fréquemment les cellules CAR-T, ils ont également ajouté une protéine appelée C34-CXCR4. Celle-ci empêche le VIH de s'attacher à la cellule et de l'infecter ensuite. La deuxième CAR-T a eu une longue durée de vie, s'est reproduite en réponse à l'infection par le VIH, a tué efficacement les cellules infectées et était partiellement résistante à l'infection par le VIH.
Vers une possible guérison du VIH
Pour être testées, ces cellules Dual CAR-T ont été injectées à des souris infectées par le VIH. Les chercheurs ont alors constaté que la réplication du virus était plus lente et que l’infection des cellules était moins importante que chez les souris du groupe témoin. Ils ont également constaté une réduction de la quantité de virus et la préservation des cellules T CD4+, la cible préférée du VIH, dans le sang des animaux.
Par ailleurs, lorsqu'ils ont combiné les cellules Dual CAR-T avec le traitement antirétroviral, le virus a été supprimé plus rapidement, ce qui a conduit à un réservoir viral plus petit que chez les souris qui n'ont été traitées qu'avec le traitement antirétroviral.
“La capacité de ces cellules Dual CAR-T à réduire la charge du VIH dans divers tissus et types de cellules, y compris les cellules T CD4+ à mémoire de longue durée, soutient, selon nous, l'approche consistant à utiliser l’immunothérapie comme nouvel outil pour cibler le réservoir du VIH en vue d'une guérison fonctionnelle du VIH”, conclut le professeur Allen.