Ce jeudi 1er octobre marque le début de la 27e édition d’Octobre Rose, un mois dédié à la lutte contre le cancer du sein. Une femme sur 8 développera cette maladie dont le dépistage précoce permet de sauver des milliers de vies. Les traitements ont évolué ces dernières années et permettent une prise en charge des patientes. Peu à peu, les traitements personnalisés ont pris le pas sur la chimiothérapie, évitant les effets secondaires associés. Oncologue à l’hôpital américain de Neuilly, Mahasti Saghatchian présente ces nouveaux traitements qui, espère-t-elle, vont “remplacer complètement la chimiothérapie d’ici 10 ans.”
Comment se caractérise le cancer du sein ?
Il y a deux façons d’appréhender le cancer du sein. La première consiste à regarder à l’échelle de la cellule. On y observe les récepteurs présents à la surface des cellules. La cellule cancéreuse est tapissée d’une multitude de capteurs. Dans notre pratique, on utilise certains de ces récepteurs pour déterminer le type de cellules cancéreuses pour pouvoir cibler les traitements. L’autre option se réalise en fonction du stade et de l’ampleur du cancer. Il convient alors de regarder s’il est présent uniquement dans le sein ou bien s’il s’est développé dans le reste du corps.
Quels sont les signes qui doivent alerter ?
C’est très difficile à détecter de manière précoce. Il n’existe pour l’instant pas d’autres moyens que de faire une mammographie à ce stade-là. Ensuite, s’il se développe et grossit alors il peut devenir palpable, on peut le sentir sous la forme d’une boule dans le sein. Une grosseur apparaît alors dans le sein ou sous l’aisselle. La couleur ou la forme du sein peut également être modifiée dans certaines zones. Tous ces signes doivent alerter les femmes.
Y a-t-il un ou des cancers du sein ?
Il existe plusieurs types de cancers du sein différents. Sur un plan moléculaire, il en existe 10, voire plus, sous-types. Dans la pratique courante, il y en a trois types qui sont identifiés : les cancers sensibles aux hormones, ceux qui présentent une quantité plus marquée du gène HER2 et les cancers triple négatifs. La prise en charge sera différente en fonction du type de cancer du sein développé par la patiente.
Quels sont les traitements ciblés qui existent ?
Pour le plus fréquent, on se focalise sur les récepteurs aux hormones. Cela concerne les trois quarts des cancers du sein. On utilise des traitements anti-hormonaux pour bloquer les cellules cancéreuses des hormones parce qu’elles en dépendent pour vivre. On associe souvent des traitements moléculaires ciblés : les inhibiteurs de CDK, une classe de médicaments qui agit sur le cycle cellulaire, notamment sur la capacité de reproduction des cellules.
Les cancers HER2 peuvent aussi avoir des récepteurs hormonaux. Pour eux, on a une classe de médicaments très efficaces : des anticorps ou des comprimés inhibiteurs du HER2. Ils vont se fixer sur le récepteur, bloquer et tuer la cellule. C’est particulièrement efficace en l’associant avec la chimiothérapie. Il y a beaucoup de traitements qui se développent dans cette catégorie parce qu'ils sont plus efficaces lorsqu'ils sont ciblés.
Pour les cancers triple négatifs, il n’y a pas d’accroche donc pas de moyen de les cibler. Le traitement passe par la chimiothérapie. Selon certaines études, ils seraient sensibles à l’immunité de l’individu. De temps en temps ils ont la capacité de stimuler les cellules immunitaires donc on cherche le PDLA, un récepteur des cellules immunitaires. L’immunothérapie peut alors marcher. On l’associe parfois avec la chimiothérapie mais ça n’est pas suffisant pour contrôler très bien ce type de cancer. C’est sur ce cancer que de nombreuses études sont menées sur des profils moléculaires afin de trouver le meilleur traitement.
Quel est l’intérêt des traitements ciblés par rapport à la chimiothérapie ?
Avec la chimiothérapie on tue des cellules cancéreuses mais aussi des cellules saines. C’est pour cela que les patientes perdent leurs cheveux. L’intérêt des traitements ciblés qui la remplace c’est de concentrer l’action de traitement sur les cellules cancéreuses et d’épargner les cellules saines. Aujourd’hui, cette stratégie est adoptée pour les récepteurs hormonaux et HER2.
La chimiothérapie va-t-elle disparaître ?
La tendance va dans la direction d’abandonner la chimiothérapie pour éviter ses effets secondaires. Aujourd’hui, les traitements sont environ à 50-50 entre chimiothérapie et traitement ciblé. Les traitements ciblés peuvent ne plus marcher au bout d’un certain temps et les patientes finissent alors par faire une chimio. Ces quinze dernières années, il y a eu très peu de progrès dans la chimiothérapie et les médicaments sont les mêmes. Les nouvelles recherches sont quasiment exclusivement concentrées sur les traitements ciblés. Dans les 10 prochaines années, l’objectif est de remplacer complètement la chimiothérapie par les traitements ciblés.
Pour aller plus loin, que faudrait-il faire ?
Le développement des traitements ciblés ne peut s’effectuer que si nous avons la capacité d’analyser les tumeurs des patientes en profondeur et d’établir le profil moléculaire, c’est-à-dire la carte d’identité du cancer de chaque femme. Aujourd’hui, cela n’est pas suffisamment mis en place. Cela ne se fait pas parce qu’il faut pouvoir faire des biopsies et qu’il y a un manque de connaissances. En outre, les mécanismes de remboursement ne sont pas très clairs, cela ne peut se faire que dans un cadre particulier. Pour l’instant ce n’est pas rentré en routine. Le remboursement n’intervient que si la procédure est financée par un projet de recherche ou si elle s’intègre dans le RIHN qui est le mode de remboursement de ce qui est innovant mais celui-ci risque de n’être que partiel.