Le microbiote semble vraiment être le meilleur allié de l'homme notamment contre le cancer. C'est la surprenante conclusion d'une étude menée par les centres de recherches canadiennes de Lawson Health Research Institute et de l'Université Western, publiée le 24 septembre dernier dans la revue Nature communications. Pour cela, ils ont étudié l'interaction entre le microbiome [espace de l'écosystème des microbiotes, NDLR] intestinal et un médicament oral de patients atteints d'un cancer de la prostate. Là, ils découvrent que les bactéries intestinales transforment l'acétate d'abiratérone [composant principal du médicament oral contre le cancer du pancréas il inhibe notamment les hormones liés à la masculinité, NDLR] afin de réduire les organismes nuisibles tout en favorisant ceux qui combattent le cancer.
À l'origine de cette découverte, les scientifiques avaient observé que l'acétate d'abiratérone est une thérapie très efficace dans le traitement du cancer de la prostate qui a résisté à d'autres traitements. Or cette substance qui inhibe notamment les hormones masculines pour combattre le cancer du pancréas se prend par voie orale contrairement aux autres traitements contre ce type de cancer. "Lorsque les médicaments sont pris par voie orale, ils traversent le tractus intestinal où ils entrent en contact avec des milliards de micro-organismes, déclare le Dr Jeremy Burton chercheur principal de l'étude et professeur agrégé à l'École de médecine et dentaire Schulich. Alors que la raison pour laquelle l'acétate d'abiratérone est si efficace est depuis longtemps un mystère, notre équipe s'est demandé si le microbiome intestinal joue un rôle."
La réponse semble aujourd'hui positive. Les chercheurs estiment avoir affaire à un des nombreux exemples de la façon dont le microbiome influence notre réponse aux médicaments. "La recherche commence à découvrir les façons dont le microbiome humain influence le développement, la progression et le traitement du cancer, explique Brendan Daisley doctorant à l'École de médecine et dentaire Schulich de Western. Notre étude met en évidence une interaction clé entre un médicament anticancéreux et le microbiome intestinal qui se traduit par des organismes bénéfiques aux propriétés anticancéreuses."
Présence accrue de l'Akkermansia muciniphila
Pour cette étude, les chercheurs ont constitué une cohorte de 68 patients atteints d'un cancer de la prostate traité avec de l'acétate d'abiratérone ou les thérapies traditionnelles de privation d'androgènes. En analysant notamment leurs selles, ils ont découvert que les microbiomes intestinaux des patients avaient radicalement changé après la prise d'acétate d'abiratérone. Les bactéries dans l'intestin ont métabolisé le médicament, ce qui a entraîné une augmentation significative d'une bactérie appelée Akkermansia muciniphila. Cette bactérie, considérée comme une "probiotique nouvelle génération" facilite notamment une meilleure réponse aux médicaments d'immunothérapie anticancéreuse entre d'autres effets positifs pour la santé. Sa présence renforcée semble avoir provoqué également une production accrue de vitamine K2, connue pour ses propriétés anticancéreuses pouvant inhiber la croissance tumorale. "Ces résultats démontrent clairement que le microbiome intestinal joue un rôle dans la réponse au traitement", note le Prf Jeremy Burton.
Une étude qui conforte l'idée selon laquelle "nous" ou plutôt "notre microbiome" serait notre meilleur médicament. Dans cette optique, ce groupe de chercheurs souhaite explorer davantage les interactions médicament-microbiome. "Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires, nous pourrons peut-être un jour être en mesure d'analyser le microbiome d'un patient pour déterminer le meilleur traitement ou même influencer le microbiome pour améliorer les résultats", estime le Dr Jeremy Burton. Cela pourrait conduire à une nouvelle frontière de la médecine personnalisée."