Quel est le point commun entre un sujet victime d’un traumatisme et un écureuil qui hiberne jusqu’à la belle saison ? Tous deux sont victimes d’un stress physiologique important qui pourrait leur coûter la vie. Et, pour survivre, leur organisme a un mécanisme de défense : il produit de l’iodure, une forme de l’élément iode, qui permet de réduire l’inflammation due au stress.
C’est la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs du Fred Hutchinson cancer research center de Seattle (États-Unis). Dans une étude publiée dans la revue Critical Care Explorations, ils expliquent qu’en analysant des centaines d’échantillons de sang, ils ont découvert que la teneur en iodure était 17 fois plus élevée chez les patients ayant subi un traumatisme violent dans les deux heures et 26 fois plus élevée chez les patients atteints de septicémie que chez les donneurs sains. En utilisant un modèle animal en hibernation, ils ont également découvert que l'iodure augmente lorsque les écureuils terrestres arctiques hibernent.
“Les écureuils font la même chose que les patients souffrant de blessures mortelles : faire le mort pour ne pas mourir, résume le docteur Mark Roth, auteur principal des travaux. Notre étude suggère que l'augmentation rapide de l'iodure dans le sang pourrait représenter une réponse ancienne au stress qui est partagée par tous les animaux. Si nous pouvons exploiter cette capacité, cela pourrait transformer la médecine d'urgence."
L’iodure, un "bouclier" contre les inflammations
Pourquoi comparer des écureuils en hibernation avec des patients souffrant de traumatismes et de septicémie ? Ce qui les unit, expliquent les chercheurs, c’est le stress physiologique important qu’ils subissent. Or, chez l’humain comme chez l’écureuil, le stress active les mêmes réponses chimiques pour prévenir d'autres dommages à l'organisme.
Les chercheurs ont utilisé un test sanguin pour voir comment l'iodure de sang augmentait chez les patients traumatisés et septiques hospitalisés, ainsi chez les écureuils terrestres en hibernation. Ils avancent l’hypothèse que, dans les situations de stress, l'iodure est libéré pour circuler librement dans le sang. Il agit alors comme un bouclier contre les lésions tissulaires pendant le stress en transformant le peroxyde d'hydrogène nocif en molécules d'oxygène et d'eau inoffensives et en réduisant l'inflammation.
“Nous savons depuis de nombreuses années que l'inflammation provoquée par le stress aggrave les blessures, rappelle le docteur Ronald Maier, co-auteur des travaux. Dans cette étude, nous avons découvert que l'iodure pouvait constituer un moyen recyclable, efficace et sûr de bloquer les dommages causés par une inflammation excessive due à une surproduction de radicaux d'oxygène après une blessure et qu'il offrait une approche thérapeutique potentielle pour améliorer la récupération, prévenir les complications et réduire la mortalité chez les patients gravement blessés."
Plusieurs essais en cours
Selon lui, “l'utilisation de l'iodure dans le cadre clinique devrait bientôt passer au stade des essais cliniques" en explorant l'utilisation de l'iodure dans la faiblesse acquise en soins intensifs après un traumatisme. Une autre étude de phase 2 s’est, elle, intéressée à l’utilisation de l’iodure après une crise cardiaque, tandis qu’une autre analyse les effets de l’iodure chez les patients atteints de Covid-19 et ayant subi une forte réaction inflammatoire appelée un “orage de cytokines”.