La méthode suédoise divise. D’un côté, il y a les mesures, parmi les moins contraignantes, où le confinement et le port du masque n’ont pas été rendus obligatoires. De l’autre, il y a le bilan qui affiche 5 880 décès, soit proportionnellement plus qu’en France, cinq fois plus que son voisin danois et dix fois plus qu’en Norvège. Le taux de contamination y est pourtant l’un des plus faibles d’Europe. Les décès se sont concentrés sur les personnes les plus vulnérables : 9 personnes mortes sur 10 du virus ont plus de 70 ans et la moitié a vécu en maison de retraite.
Une stratégie au long cours
Malgré le rebond épidémique actuel qui fait craindre une deuxième vague, la Suède poursuit son cavalier seul et est même en passe d’assouplir certaines mesures. Pour lutter contre la propagation du virus, la Suède s’est appuyée sur une règle : la distanciation physique. C’est l’un des pays qui a imposé l’une des restrictions les plus sévères pour les événements publics avec une limitation à 50 personnes. La situation actuelle pousse le pays à desserrer la vis et à porter ce chiffre à 500 personnes à la mi-octobre si la tendance se confirme. Tout ça va dans le sens d’une stratégie envisagée, dès le départ, au long court. “On ne va pas demander aux gens de porter le masque pendant des années”, a estimé Lena Hallengren, ministre de la Santé, reprise par Le Figaro.
Cette stratégie n’a pas fait que des adeptes. Peter Gustavson, un citoyen suédois qui a perdu son père, emporté par la Covid à 76 ans, dresse un constat d’échec. “Notre société a échoué à protéger les plus vulnérables. On n'a pas réussi à empêcher le coronavirus d’arriver jusqu’à eux”, a-t-il indiqué à France 3. La ministre de la Santé se défend de toute idée d’abandon des plus à risques. “Nous n’avons sacrifié personne et on a fait de notre mieux pour protéger les plus vulnérables, a-t-elle répondu. En Suède, les Ehpad n’accueillent pas les personnes qui viennent là après leur retraite. Ce sont des établissements de soins qui prennent en charge les plus fragiles, les plus malades. En général, la moitié d’entre eux ne survit pas au-delà de six mois. Alors, bien sûr, quand la Covid s’introduit dans un de ces établissements, c’est très compliqué.”
L’immunité collective atteinte ?
Les décideurs justifient ces décisions et cette méthode par la volonté de constance dans la lutte face au virus. “La grande différence avec les autres pays, c’est que nous n’avons pas changé nos recommandations, ni la façon dont nous organisons cette distanciation sociale, souligne Anders Tegnell, épistémologiste en chef de la Suède. Nous ne devons donc pas encore affronter la deuxième vague que connaissent ces pays où l’on a confiné, puis déconfiné.” Le pays a lancé une grande campagne de sensibilisation où des points presse régulier, de deux à cinq par semaine, sont menés afin de répéter les gestes à adopter : “restez à la maison au moindre symptôme, lavez-vous les mains, gardez vos distances, travaillez chez vous, évitez les transports en commun et pour les plus de 70 ans: isolez-vous!”
Dans un premier temps, les résultats n’ont pas été à la hauteur puisque la Suède a été, en juin, le pays où l’on avait le plus de chances de mourir du Covid-19. À partir de juillet, la tendance s’est inversée. Aujourd’hui, la Suède affiche l’un des taux de contamination les plus faibles, avec 42 nouveaux cas de Covid pour 100 000 habitants ces deux dernières semaines, contre 231 en France. Actuellement, 130 patients sont hospitalisés dont une vingtaine en soins intensifs et environ deux personnes décèdent du virus chaque jour. Pour expliquer ces faibles chiffres, Anders Tegnell avance l’idée de l’immunité collective. “Il n’y a que deux façons d’arrêter une épidémie qui se diffuse de façon aérienne comme celle du coronavirus : avec un vaccin, ou en atteignant l’immunité collective. Cette dernière n’a jamais été notre stratégie, même si une meilleure immunité peut être une des conséquences des mesures que nous prenons”, a-t-il estimé.