Ce n'est pas seulement fumer pendant la grossesse qui est néfaste pour le fœtus, c'est aussi fumer quelques mois auparavant. C'est la conclusion d'une étude menée par des chercheurs français rattachés à l'Institut pour l'avancée des biosciences (Inserm/CNRS/université Grenoble Alpes), publiée dans la revue BMC Medicine ce 7 octobre. Ainsi, arrêter sa consommation de cigarettes avant la grossesse ne suffirait pas à se prémunir de ces méfaits.
Selon ces chercheurs, bien que la consommation de tabac soit dommageable pour le développement du fœtus, les mécanismes en œuvre sont encore mal connus. Néanmoins, de précédentes études expliquent que la consommation de tabac provoque des altérations de méthylation — une forme de modification épigénétique — de l'ADN placentaire. Le placenta joue un rôle crucial dans le développement du fœtus mais est perméable à de nombreux composés chimiques. Or, ces modifications épigénétiques “sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l'ADN”, explique l'Inserm. Si ces marques sont réversibles, elles ne modifient pas l'ADN mais changent l'expression de gènes. Ce mécanisme donne une plasticité à l'ensemble des cellules qui peuvent ainsi s'adapter à un nouvel environnement en changeant leur comportement.
Les anciennes fumeuses ont des résultats similaires aux fumeuses
Pour observer les conséquences de la consommation de tabac sur le placenta, les chercheurs ont récupéré et analysé de l'ADN placentaire de 568 femmes au moment de l'accouchement. Ils les ont ensuite répartis en trois catégories : non-fumeuses (aucune consommation dans les 3 mois précédant la grossesse et durant cette dernière), anciennes fumeuses (arrêt de la consommation de tabac dans les 3 mois précédant la grossesse), et fumeuses (consommation dans les trois mois précédant la grossesse et durant la grossesse).
Chez les “fumeuses”, les scientifiques ont remarqué 178 régions du génome placentaire avec des altérations de méthylation de l'ADN. Or, 26 de ces 178 régions altérées ont également été observées dans le placenta des “anciennes fumeuses”. Ces régions altérées certes moins nombreuses sont cependant clefs puisqu'elles correspondent le plus souvent à des zones dites “amplificatrices”, c'est-à-dire qui contrôlent à distance l'activation ou la répression de gènes. Certains de ces gènes, ici altérés par ricochet, jouent un rôle important dans le développement du fœtus. “Si un grand nombre de régions semble avoir un profil de méthylation normal chez les femmes après arrêt du tabac, la présence de certaines modifications de méthylation de l'ADN dans le placenta de femmes ayant arrêté de fumer avant la grossesse suggère l'existence d'une mémoire épigénétique de l'exposition au tabac”, précise Johanna Lepeule, chercheuse à l'Inserm et directrice de ces travaux.
Selon elle, des modifications de la méthylation de l'ADN placentaire au niveau des gènes liés au développement du fœtus et des régions "amplificatrices" pourraient en partie expliquer les effets du tabagisme observés sur le fœtus et la santé ultérieure de l'enfant. Le tabac garde donc une influence néfaste sur le corps et notamment le placenta trois mois après son arrêt.