"La cytologie urinaire, qui est largement utilisée pour dépister le cancer de la vessie, a une spécificité [probabilité de résultat négatif pour les non-malades, NDLR] élevée mais manque de sensibilité [probabilité du résultat positif chez un malade, NDLR], en particulier pour les cancers de bas grade [cancer lent dont les cellules anormales ressemblent beaucoup aux saines, NDLR], affirme Xu Chuan-Liang directeur de l'étude et urologue à l'hôpital Changhai (Shanghai, Chine). La cystoscopie [examen médical permettant d'étudier la paroi interne de la vessie, NDLR], bien que plus précise que la cytologie, est une procédure invasive avec des coûts supplémentaires et des complications potentielles pour le patient. Par conséquent, un test peu coûteux et non invasif pour la détection et la surveillance du cancer de la vessie est un besoin clinique non satisfait."
Résultats encourageants
À bas les microscopes, place aux nouvelles techniques. Les scientifiques chinois ont décidé de se baser sur la technique de détection des cancers nommée "analyse des variantes du nombre de copie d'ADN" (CNV). Là pour gagner en rapidité et en coût, ils ont décidé de ne pas identifier chaque altérations génétiques spécifiques, mais d'évaluer la charge globale de CNV via un séquençage du génome entier à faible couverture (LC-WGS). Pour Viktor Adalsteinsson, directeur associé au Gerstner centre du diagnostique du cancer à l'Institut Broad (Massachusetts, États-Unis), interrogé par par l'Institut national contre le cancer des États-Unis ce type de séquençage permet de gagner beaucoup de temps et d'argent. "Au lieu de charger un seul échantillon sur le séquenceur, nous chargeons plusieurs échantillons afin que chacun reçoive une petite quantité de séquençage, explicite-t-il. Parce qu'il ne nécessite qu'une quantité insignifiante de séquençage, LC-WGS peut être appliqué à de nombreux échantillons à faible coût."
Pour prouver que l'usage du CNV via un LC-WGS est plus efficace que l'analyse au microscope ou l'examen médical, les chercheurs shanghaiens ont expérimenté leur procédé sur 190 échantillons d'urine récoltés lors d'un essai clinique d'observation. Ils assurent que sur ces 190 échantillons, 126 contenaient du cancer de la vessie et 64 non. Or leur méthode a réussi à détecter les personnes atteintes d'un cancer des autres. Ensuite, ils ont affiné leur test pour qu'il analyse en plus "tous les changements chromosomiques autosomiques dans les cellules exfoliées dans l'urine." Sur les même données, le prototype de test chinois a identifié un cancer de la vessie "carcinome urothélial" avec une sensibilité de 82,5% [probabilité du résultat positif chez un malade, NDLR] et une spécificité de 96,9% [probabilité de résultat négatif pour les non-malades, NDLR]. Ainsi le risque de faux-négatif est 17,5% alors que celui de faux-positif de 5,1%.
Meilleure sensibilité
Pour vérifier ces résultats, ils ont alors de nouveau testé ce prototype de test sur une nouvelle cohorte de 95 patients dont 56 avec un cancer de la vessie du type "carcinome urothélial". Par rapport à l'identification au microscope, soit la cytologie urinaire, ce prototype de test a eu une meilleure sensibilité [détection des cas mositifs] - 80,4% pour le test contre 33,9% pour le microscope -, et une spécificité [détection des non-malades, NDLR] comparable - 94,9% pour le prototype contre 100% pour le microscope. Cette différence dans la détection des cas positifs a été creusée dans la capacité à découvrir les 7 cas de tumeurs de bas grade, dont les cellules anormales ressemblent beaucoup aux cellules saines. Face à cette configuration, le prototype de test a eu une sensibilité de 71,4% alors que le microscope n'en a trouvé aucun. Selon les chercheurs, la sensibilité de leur test dépend de la taille de la tumeur : plus elle est grande, mieux il la détecte. "La sensibilité relativement plus faible du test pour la détection de tumeurs de grade inférieur ou plus petits n'est pas inattendue, car ces tumeurs sont moins susceptibles d'avoir des altérations chromosomiques abondantes, diagnostique Xu Chuan-Liang. En fin de compte, nous pensons que notre test pourrait aider à réduire la fréquence des examens médicaux cystoscopiques, mais pas à les remplacer." Cependant, les chercheurs espèrent bien que leur prototype de test pourra remplacer la détection au microscope des cellules anormales. Ce test est de nouveau sur le banc d'essai pour mesurer quelle quantité au minimum il lui faut sans que cela fausse les résultats.