Si notre corps à autant de mal à combattre la Covid-19, c’est parce que le virus s’arrange pour ne pas jouer à armes égales avec notre système immunitaire. Des chercheurs de l’université d’Emory (Etats-Unis) ont découvert que la réaction immunitaire de nos cellules lors d’une forme sévère de Covid-19 était semblable à celle produite par le lupus érythémateux disséminé, une maladie auto-immune qui s’attaque à plusieurs organes. Nos lymphocytes se reproduisent en nombre mais ne se spécialisent pas pour combattre l’infection, ce qui explique pourquoi certaines personnes atteintes par le SARS-CoV-2 produisent beaucoup d’anticorps contre le virus sans pour autant que cela soit efficace. Les résultats de l’étude ont été publiés en ligne le 7 octobre 2020 dans la revue Nature Immunology.
Une spécialisation des lymphocytes B moins marquée
Pour mieux comprendre, les scientifiques se sont tournés vers la littérature déjà disponible sur la Covid-19. Ils se sont notamment penchés sur les cas où le coronavirus perturbe les centres germinatifs des ganglions lymphatiques, le lieu où nos globules blancs se reproduisent et se spécialisent. Dans les formes sévères de Covid-19, les lymphocytes B, responsables de la création d’anticorps, sortent des centres germinatifs par une voie extrafolliculaire sans s’être différenciés, ce qui les rend quasiment inefficaces. Cette réaction désordonnée des lymphocytes B lors des formes sévères du coronavirus est la même que celle produite par le lupus érythémateux disséminé.
Chez les personnes atteintes de lupus érythémateux disséminé, les cellules s’activent anormalement et deviennent des auto-anticorps qui attaquent notre propre organisme, une des caractéristiques des maladies auto-immunes. Dans le cas du lupus érythémateux disséminé, ces attaques répétées provoquent des états de fatigue, des douleurs articulaires, des éruptions cutanées et des problèmes rénaux.
Des cellules immunitaires en nombre mais inefficaces
Pour confirmer leurs prédictions, les chercheurs ont comparé 10 cas critiques de personnes atteintes de forme sévère de Covid-19 admis en soins intensifs avec sept patients traités en ambulatoire pour une forme légère de Covid-19. Un groupe témoin de 17 personnes a servi de comparaison.
Les patients atteints de forme sévère de Covid-19 avaient un niveau d’anticorps plus élevé que la moyenne au tout début de leur infection. Cependant, avec des lymphocytes B sortant par une voie extrafolliculaire, ils étaient moins performants que ceux qui se sont spécialisés dans les centres germinatifs. Toutefois, malgré la forte concentration de lymphocytes B dans leur organisme, quatre des dix patients touchés par une forme sévère de Covid-19 sont décédés de la maladie.
“Ce n'est qu'au troisième ou quatrième patient de l'unité de soins intensifs dont nous avons analysé les cellules que nous avons réalisé que nous observions des schémas rappelant fortement les poussées aiguës du lupus érythémateux disséminé”, affirme Ignacio Sanz, chef de la division rhumatologie au département de médecine de l’université Emory et auteur de l’étude.
Ignacio Sanz et son équipe cherchent maintenant à déterminer si la Covid-19 possède d’autres points communs avec le lupus érythémateux disséminé, notamment au niveau des auto-anticorps, afin d’aider les personnes qui ont pu guérir de la Covid-19 mais qui gardent des séquelles. “D'autres chercheurs ont observé des auto-anticorps dans la phase aiguë de la maladie, et il sera important de comprendre si les réponses auto-immunes à long terme peuvent être liées à la fatigue, aux douleurs articulaires et à d'autres symptômes ressentis par certains survivants.”