- Respecter le cycle circadien permet à notre corps de se reposer. Le forcer à avoir un autre rythme peut détraquer notre système immunitaire.
- A cause du jet lag, notre immunité est moins efficace, ce qui laisse aux cellules tumorales de loisir de s'étendre paisiblement.
- Les personnes travaillant de nuit sont soumises exactement aux mêmes problèmes pour leur santé que celles changeant souvent de fuseau horaire.
Lorsque nous prenons l’avion pour de longues distances, il nous arrive d’être déphasés à l’atterrissage: c’est le jet lag. Ce phénomène de décalage touche aussi les personnes travaillant de nuit, on parle alors de jet lag social. Dans les deux cas, cette situation peut s’avérer néfaste pour notre organisme. Outre la fatigue qui s’installe et qui nous oblige à nous caler sur un autre rythme, le jet lag perturbe également nos cellules. C’est la conclusion a laquelle sont arrivés des scientifiques de l’université nationale de Quilmes (Argentine) et l’université Virginia Tech (Etats-Unis). Dans leur étude parue le 14 octobre 2020 dans la revue Science Advances, les scientifiques parlent des répercussions négatives du jet lag, notamment de sa propension à laisser les cellules tumorales grandir durant cette période.
L’importance du cycle circadien pour l’organisme
Les voyages rapides sur de très longues distances et le travail de nuit ont en commun de ne pas respecter notre cycle circadien. Le rythme jour-nuit, sur lequel nous sommes construits, permet à notre corps de distinguer les moments où il doit être actif (le jour) de ceux où il doit se reposer (la nuit). Les phases de repos et de sommeil sont importantes car c’est à ce moment-là que nous réinitialisons toutes nos fonctions, que ce soit pour stocker de l’énergie, reposer notre cerveau ou renforcer nos défenses immunitaires.
En ne tenant pas compte du cycle circadien, nous stressons nos défenses immunitaires. Chaque cellule de notre corps possède sa propre horloge moléculaire, qu’elle ajuste lorsque certaines fonctions de notre corps sont au repos. Le cerveau est le maître du temps de notre corps, qui utilise la lumière du jour pour synchroniser toutes les horloges périphériques de nos cellules.
Chez les cellules cancéreuses, cette horloge moléculaire est déréglée, ce qui explique ce développement anarchique, rapide et incontrôlé. Lorsque la perception du jour et de la nuit devient confuse, notre cerveau ne sait plus déterminer pour nos cellules le moment propices pour qu’elles se reposent. Avec cette confusion, elles se mettent dans un état de stress, ce qui amoindrit leur efficacité. C’est pendant cette phase que les cellules cancéreuses peuvent se développer.
Les cellules cancéreuses profitent du stress chronique des cellules saines
Pour mener à bien leur recherche, les scientifiques ont examiné deux groupes de souris. Le premier a été soumis à un rythme circadien strict avec douze heures de lumière et douze heures d’obscurité. Le second groupe a vu ses plages de lumière et d’ombre décalées de six heures tous les deux jours, ce qui équivaut à traverser 21 fuseaux horaires différents en une semaine.
Au bout d’un mois, les chercheurs se sont aperçus que les tumeurs chez les souris soumises au jet lag avaient des tumeurs trois fois plus grosses que celles du groupe contrôle.
"L'un des principaux enseignements de cette étude est que si une personne souffre d'un trouble prolifératif, en l'occurrence un mélanome, le fait de travailler en rythme décalé ou de changer régulièrement de fuseau horaire pourrait exacerber le problème en freinant la réponse du système immunitaire à la croissance de la tumeur, indique Carla Finkielstein, professeure associée de biologie à la faculté des sciences de Virginia Tech et directrice du laboratoire de diagnostic moléculaire de l'Institut de recherche biomédicale de Fralin (Etats-Unis). Cette recherche permet également d'expliquer pourquoi certaines tumeurs gagnent du terrain lorsqu'une personne est exposée aux conditions de stress chronique qui se produisent lorsque son environnement et son horloge biologique sont désynchronisés.“
Les défenses immunitaires perdent en efficacité
Au niveau microbiologique, le jet lag affaiblit les défenses immunitaires, c’est ce qu’ont remarqué les scientifiques sur les souris. Avec un rythme décalé, ils se sont aperçus que les macrophages, ces globules blancs chargés de manger et de détruire les cellules et défaillantes, sont beaucoup plus enclins à laisser les cellules tumorales proliférer.
“Nous avons combiné deux approches différentes de la recherche en chronobiologie pour étudier les effets de la désynchronisation circadienne sur la croissance des tumeurs et les rythmes immunitaires, et nous avons trouvé un lien, décrit Diego Golombek, professeur à l'université nationale de Quilmes. Il faut des rythmes optimaux dans les cellules immunitaires et des facteurs humoraux immunitaires pour étouffer la croissance rapide des tumeurs. Lorsque les rythmes circadiens sont perturbés de façon chronique, ces rythmes sont altérés, inversés ou disparaissent complètement, ce qui pourrait aider à expliquer pourquoi les tumeurs étaient beaucoup plus importantes dans le groupe désynchronisé.”
Diego Golombek et Carla Finkielstein ont prévu d’étoffer leurs recherches sur le système immunitaire et des cycles cellulaires, en se focalisant cette fois sur le cancer.