En matière de santé publique, quelles sont les dispositions réglementaires liées à la consommation d’alcool qui se révèlent particulièrement efficaces ?
Alors qu’en France, un certain nombre de mesures ont été prises pour limiter la consommation d’alcool, comme l’interdiction de certaines boissons très alcoolisées, un encadrement des lieux de vente et de consommation ou encore une publicité limitée, certains pays ou États ont pris une disposition qui semble particulièrement porter ses fruits : la fixation d’un prix minimum sur les boissons alcoolisées. C’est le cas notamment en Ecosse, au Pays de Galle et dans certaines provinces du Canada.
Selon une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’université de Victoria en Colombie-Britannique et publiée dans le Journal of Studies on Alcohol and Drugs, cette politique de "prix unitaire minimum" entraînerait "une réduction substantielle et durable des méfaits causés par l’alcool dans la société". "Alors que nous continuons à faire face à la pandémie de Covid-19 et que nous entendons des inquiétudes quant à l'accablement de nos systèmes de soins de santé, cette étude montre qu'un prix unitaire minimum pour l'alcool contribuerait à libérer des ressources précieuses en diminuant la charge de l'alcool sur nos systèmes de soins de santé", affirme Adam Sherk, docteur en philosophie et auteur principal de l’étude.
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé un modèle informatique en accès libre appelé "Modèle international des méfaits de l'alcool et des politiques en la matière" (InterMAHP) pour estimer les méfaits de l’alcool dans un pays ou un État ainsi que pour déterminer l'impact potentiel sur la consommation d’alcool des politiques publiques. Leur objectif : déterminer l'effet potentiel d'une tarification unitaire minimale sur l’année 2014 au Québec, une province qui n'a pas encore institué une telle politique.
Ils ont ensuite croisé ces informations avec des données sur la consommation d'alcool par habitant, des données sur les hospitalisations et les décès, des informations sur les ventes de vins, de spiritueux et de liqueurs (qui sont partiellement contrôlées par le gouvernement au Canada) et sur les ventes de bière.
Au Québec, les chercheurs ont estimé à 2 850 le nombre de décès et à 24 694 le nombre d'hospitalisations attribuables à la consommation d'alcool. Il s'agit notamment de décès dus au cancer, aux maladies cardiovasculaires et aux blessures. Les principales causes d'hospitalisation liées à la consommation d'alcool sont les blessures non intentionnelles, les troubles psychiatriques, le cancer, les troubles digestifs et les maladies transmissibles.
Jusqu'à 16% d'hospitalisations en moins
La modélisation utilisée par les chercheurs a permis de déterminer que si le Québec avait précédemment mis en place une politique de prix unitaire minimum de 1,50 dollar canadien par boisson standard (environ 2,3 euros), 169 décès auraient été évités, soit une réduction de 5,9 %. L'instauration d'un prix unitaire minimum de 1,75 dollar canadien par boisson (environ 2,7 euros) aurait permis d'éviter 327 décès, soit une diminution de 11,5%.
De plus, une politique de prix unitaire minimum de 1,50 dollar canadien par boisson aurait permis de réduire le nombre d'hospitalisations de 2 063 cette année-là (soit une diminution de 8,4 %). Un prix de 1,75 dollar canadien aurait réduit les hospitalisations de 4 014, soit 16,3 %.
"Ce rapport vient s'ajouter aux preuves de plus en plus nombreuses que les politiques de prix unitaires minimums sont un moyen efficace pour les gouvernements de réduire les visites à l'hôpital liées à l'alcool et de sauver des vies, estime Adam Sherk. Les gouvernements nationaux et juridictionnels, y compris le Québec, devraient envisager de suivre l'exemple de pays comme l'Écosse et de mettre en œuvre ces politiques."