Souvent surnommé notre "deuxième cerveau", notre intestin ne se contente pas d’abriter des neurones : il est aussi en relation étroite avec notre système nerveux grâce à un axe de communication que les scientifiques appellent "l’axe intestin-cerveau". On sait par exemple qu’il est à l’origine de certains troubles neurologiques tels que la dépression et l'anxiété, ainsi que de certaines maladies inflammatoires auto-immunes chroniques comme le syndrome du côlon irritable (SCI) et la polyarthrite rhumatoïde.
Si jusqu’alors, plusieurs études s’étaient penchées sur les échanges qu’entretient notre microbiome intestinal avec notre cerveau, cette relation reste encore très mystérieuse. De nouveaux travaux menés par une équipe multidisciplinaire de l’université du Maryland (États-Unis) pourraient nous aider à mieux comprendre comment l’un et l’autre communiquent entre eux et peuvent provoquer certaines pathologies.
L’objectif des chercheurs : découvrir le rôle du microbiome de l'intestin dans les troubles de l'intestin et du cerveau en identifiant des biomarqueurs tels que la sérotonine. Ils viennent à ce sujet de publier trois nouveaux articles dans lesquels ils détaillent l'avancement des travaux, qui comprennent des innovations dans la détection de la sérotonine, l'évaluation de ses effets neurologiques et la détection de changements infimes dans l'épithélium intestinal.
Une analyse de l'axe intestin-cerveau
Dans leur premier article, publié dans la revue Nature, les chercheurs détaillent leur développement d’une capsule qui donne accès au site spécifique de production de la sérotonine. Cette capsule est dotée d’une membrane poreuse avec un capteur de sérotonine intégré, sur laquelle un modèle de la muqueuse intestinale peut être cultivé. Grâce à cette innovation, les chercheurs ont pu constater que la sérotonine est sécrétée par le fond des cellules. Cette capsule permet également un accès supérieur aux molécules libérées par les cellules et crée un environnement intestinal modèle contrôlable pour effectuer des recherches révolutionnaires sur l’axe intestin-cerveau sans avoir besoin d'effectuer des procédures invasives sur les humains ou les animaux.
Dans leur deuxième article, qui s’appuie sur les résultats du premier, les chercheurs expliquent avoir développé une nouvelle capsule qui, cette fois-ci, est capable de mesurer la sérotonine afin d’en évaluer les effets neurologiques. En ajoutant et en intégrant un modèle de nerf d'écrevisse disséqué au modèle de la muqueuse intestinale, l'équipe a créé une interface intestin-cerveau qui peut évaluer la réponse du nerf à la sérotonine détectée par voie électrochimique. Cette avancée permet l'étude de la signalisation moléculaire entre les cellules intestinales et nerveuses, rendant possible pour la première fois la surveillance en temps réel des deux tissus de l’intestin et du cerveau.
Enfin, dans un troisième article, les chercheurs détaillent le concept, la conception et l'utilisation de la capsule de biosurveillance, à laquelle ont été ajoutés deux capteurs, qui permettent de surveiller la muqueuse intestinale dans diverses conditions environnementales et alimentaires, mais aussi d'évaluer les changements de la perméabilité de la barrière (qui est un indicateur important de la maladie), et la libération de sérotonine, signe de la communication avec le système nerveux.