Il s'appelait Moritz Erhardt et serait mort d'épuisement au travail ! C'est en effet la dramatique histoire de ce jeune Allemand de 21 ans, stagiaire depuis six semaines à la division affaires de la Bank of America à Londres. Son corps a été découvert le 15 août par ses colocataires dans la douche de leur appartement londonien.
D'après le quotidien britannique The Independent, l'étudiant en question venait de travailler jusqu'à 6 heures du matin trois jours d'affilée. Le même article évoque une histoire similaire, celle d'un autre stagiaire habitant le même immeuble, qui lui aurait cumulé huit nuits blanches en deux semaines.
La banque américaine a confirmé le décès sans commenter les informations liées à son rythme de travail ni son état d'épuisement. Alors, pour tenter d'expliquer une mort si brutale, le Dr Patrick Légeron (1), psychiatre et fondateur du cabinet Stimulus, répond aux questions de pourquoidocteur.
Une mort par Karoshi et pas un burn-out
Dr Patrick Légeron: Le burn-out habituellement est un processus qui s'installe progressivement en plusieurs semaines et plusieurs mois même. Il passe d'abord par une phase dépressive dans laquelle on n'a plus rien à faire. Ici, il semble que ce jeune homme était encore en activité professionnelle, c'est donc étonnant qu'il puisse mourir comme ça si brutalement. Moi je pense davantage à un autre phénomène que l'on appelle la mort subite par stress. Les Japonais l'ont appelé le Karoshi. C'est un phénomène de destruction physique par un stress violent et répété. Le burn-out est plus un phénomène d'épuisement.
L'explosion des glandes surrénales
Dr Patrick Légeron: Le stress déclenche d'abord des substances comme l'adrénaline qui nous mettent en tension. Quand le stress se poursuit, le cortisol prend le relais. Il s'agit de l'hormone du stress chronique. Ces deux hormones sont fabriquées par les glandes surrénales. Si la personne est en stress permanent, violent, chronique, ces glandes produisent sous contrainte ces hormones et lâchent. C'est par l'aplasie surrénalienne que la mort suit. Ces deux petites glandes qui sont hyper-sollicitées quand on est en stress chrnonique sont aussi des glandes qui stimulent le coeur et toutes les fonctions vitales. Lors de leur destruction, c'est tout le reste de l'organisme qui n'est plus du tout sous tension. La mort peut alors survenir, par arrêt cardiaque par exemple.
Des décès souvent liés à la prise de produits dopants
Dr Patrick Légeron: Souvent dans le milieu bancaire, ces gens qui ont un stress permanent consomment des produits toxiques. C'est comme ça qu'ils tiennent, en se shootant. Ces personnes ont la passion du travail, c'est presque une addiction. Et en même temps, ils sont souvent dépendants à des substance qui les aident à tenir ce rythme de boulot infernal. Ca va du café jusqu'aux drogues. Dans cette histoire, le fait que ce jeune allemand n'avait pas dormi pendant plusieurs nuits confirme sans doute l'hypothèse qu'il avait pris des produits. L'être humain ne peut pas rester comme ça plusieurs nuits sans dormir, physiologiquement il aura besoin de substances chimiques pour l'y aider.
Les conseils pour éviter ces accidents
Dr Patrick Légeron: Le conseil, c'est la prévention, plutôt que la guérison. Lorsque les individus commencent à ressentir des tensions ou des palpitations cardiaques, voir même des difficultés à digérer, tous ces indices sont des indicateurs physiques qui montrent que le corps est en surchage. Il y a aussi des signes comportementaux. Par exemple, lorsqu'on devient nerveux ou qu'on augmente sa consommation d'alcool, de tabac ou de café. Dans ce cas, cela prouve que l'organisme est en surchauffe. Il faut alors commencer à faire attention en agissant sur soi-même. Je conseille par exemple aux personnes travaillant beaucoup de faire des pauses ou de la relaxation pendant leur journée de travail. Il faut savoir aussi décrocher du boulot. Enfin, avoir une vie saine, pratiquer une activité physique ou encore s'alimenter de façon équilibrée restent toujours les meilleurs moyens de se protéger du stress.
(1) Auteur de « Le stress au travail », Editions Odile Jacob