Notre cerveau est prêt à lire dès la naissance. C’est la conclusion surprenante d’une étude menée par des chercheurs de l’université d’Etat de l’Ohio. Ils ont découvert que l’aire cérébrale de la lecture, qui est chargée de comprendre la forme visuelle des mots, était reliée dès la naissance à la zone du langage. Les résultats de leur recherche ont été publiés le 22 octobre 2020 dans la revue Scientific reports.
Une aire dévolue à la reconnaissance des mots
Pendant longtemps, la communauté scientifique était persuadée que l’aire cérébrale de la lecture se spécialisait uniquement chez les personnes maîtrisant l’alphabet. Certains avaient émis l’hypothèse qu’à l’instar de la perception des visages, des objets ou des scènes, cette spécialisation du cerveau se faisait au fur et à mesure qu’un enfant apprenait à lire ou à maîtriser le langage.
“Cela en fait un terrain fertile pour développer une sensibilité aux mots visuels, avant même toute exposition au langage, indique Zeynep Saygin, autrice principale de l'étude et professeure adjointe de psychologie à l'université d'État de l’Ohio. Même à la naissance, l’aire cérébrale de la lecture est plus connectée fonctionnellement au réseau linguistique du cerveau qu’à d’autres zones.”
Pour démontrer qu’ils avaient raison, les chercheurs ont analysé les scanners de 40 nouveaux-nés âgés de moins d’une semaine réalisée avec de l‘imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Ces scanners ont ensuite été comparés à ceux de 40 adultes.
Des connexions déjà bien présentes
Les chercheurs ont découvert que même chez les nouveaux-nés, l’aire cérébrale de la lecture était différente de la partie du cortex visuel qui reconnaît les visages. Cela signifie donc que cette partie du cerveau ne se spécialise pas avec le temps, mais qu’elle est déjà dévolue à comprendre les lettres et les mots.
“L’aire cérébrale de la lecture est spécialisée pour voir les mots avant même que nous y soyons exposés” souligne Zeynep Saygin. Son collègue, Jin Li, coauteur de l’étude et doctorant à l’université d’Etat de l’Ohio, abonde dans son sens. “Notre étude a vraiment mis l'accent sur le rôle des connexions cérébrales à la naissance qui aident à développer une spécialisation fonctionnelle, même pour une catégorie dépendant de l'expérience comme la lecture.”
Les chercheurs mènent actuellement des expériences sur les cerveaux d’enfants de trois et quatre ans afin de voir quelle est l’utilité de l’aire cérébrale de la lecture avant que les enfants n’apprennent à lire et quelles sont les propriétés visuelles qui la font réagir.
“Savoir ce que fait cette région à ce stade précoce nous en dira un peu plus sur la façon dont le cerveau humain peut développer la capacité de lire et sur ce qui peut mal tourner, insiste Zeynep Saygin. Il est important de suivre comment cette région du cerveau devient de plus en plus spécialisée. L'expérience de la langue parlée et écrite renforcera probablement les liens avec des aspects spécifiques du circuit linguistique et différenciera davantage la fonction de cette région de celle de ses voisins lorsqu'une personne s’alphabétise.”