C’est une situation dramatique qui dure depuis des mois : après une chute à son domicile de Perpignan (Pyrénées Orientales), Alain P. est bloqué sur un matelas à même le sol, dans l’incapacité de bouger. Souffrant d’obésité, il pèserait entre 250 et 300 kilos. Son frère l’aide à s’alimenter et se laver, mais l’homme n’est plus suivi par des professionnels de santé. Or, son état se dégrade.
Pour le sortir de chez lui, une opération de sauvetage est nécessaire avec des pompiers et du matériel adapté. Elle était planifiée pour le mois de septembre, mais elle a été suspendue. Son avocat, Jean Codognès, a contacté le ministre de l’Intérieur par courrier la semaine dernière pour l’alerter. La ligue contre l’obésité a fait de même en envoyant courrier et mail au ministère de la Santé et au premier Ministre, lundi 26 octobre. Agnès Maurin, sa directrice générale, confie son effarement.
- Quand avez-vous eu connaissance de cette situation ?
Nous l’avons découverte dans la presse pendant l’été 2020. À ce moment, nous avions contacté les journalistes locaux à l’origine de cette parution (dans L’Indépendant ndlr), ils nous avaient expliqué que la situation était en train d’être résolue.
- Qu’est-ce qui était envisagé ?
Le 4 août, un accord avait été signé avec toutes les parties prenantes lors d’une réunion à la préfecture. Alain devait être évacué en septembre, car les vacances empêchaient apparemment de le prendre en charge plus tôt. Or, nous avons découvert le week-end dernier, toujours par voie de presse, que l’évacuation n’a pas eu lieu et nous avons pris contact avec son avocat, Maître Codognès. Il était complètement effondré face à la situation, d’autant plus qu’il venait de passer chez Alain, qu’il trouvait vraiment très affaibli.
- Pourquoi cette évacuation n’a pas eu lieu ?
Nous ne savons pas, tout le monde se renvoie la balle et les choses n’avancent pas. Apparemment, les hôpitaux d'Occitane ne voulaient pas l’accueillir. Pourtant, j’ai contacté ces structures ce week-end et à aucun moment, on ne m’a confirmé un refus d'admission. On m’a demandé de faire passer un médecin pour évaluer le degré d’urgence.
- Qu’avez-vous décidé de faire ?
Sans attendre, nous avons décider d’accompagner l’avocat dans cette affaire qui n'a que trop duré. Et nous avons d’abord contacté des hôpitaux, le SAMU, des maisons médicales pour essayer de trouver un médecin disponible pour passer chez Alain et constater le degré d’urgence. Nous n’y sommes pas parvenus, mais l’avocat a réussi entre temps à organiser une visite d’un médecin jeudi 29 octobre en début d’après-midi.
- Que va-t-il se passer après cette visite ?
Si le médecin indique qu’il y a urgence, alors nous contacterons le 15. Le Samu ne pourra pas lui venir en aide directement car les précédents échanges ont montré que c’est un vieil immeuble, insalubre, avec une toute petite porte, donc qu’il faut étayer le plancher et élargir la fenêtre pour le faire sortir de l’appartement. Mais du côté des pompiers, tout est prêt, ils ont commandé du matériel spécifique, le département a fait ce qu’il faut. Si l’urgence est caractérisée et qu’il y a un point de chute, cela peut avancer.
- Vous avez écrit au premier ministre ainsi qu’au ministre de la santé lundi 26 octobre, avez-vous eu un retour ?
Non, nous n’avons eu aucun accusé de réception que ce soit du mail ou du courrier recommandé. Si nous n’avons pas de retour d’ici jeudi, nous porterons plainte avec l’avocat d’Alain P. pour "non-assistance et mise en danger de la vie d’autrui" et "non-assistance à personne en péril".
- Avez-vous déjà été confrontée à une situation aussi dramatique ?
Je pense qu’on a dû entendre parler de cas similaires dans d’autres pays. En France, il y en a probablement d’autres mais peut-être que ces personnes sont dans des situations moins graves, avec un vrai suivi et entourées par leur famille. Dans la situation d’Alain, nous sommes confrontés à un vrai drame : celui de gens d'origine modeste, qui vivent dans le quartier Saint-Jacques de Perpignan, le plus pauvre de France, dont l’appartement pourrait apparemment s’effondrer du jour au lendemain. La pathologie de ce monsieur n’y est pas pour rien !
- C’est-à-dire ?
Les personnes obèses sont stigmatisées en permanence, on leur fait comprendre que c’est de leur faute. Cette situation est certes l’extrême de l’extrême mais elle est révélatrice : cela montre où nous pouvons en arriver. Il faut faire un gros travail de compréhension sur cette maladie pour réduire les préjugés. Ce n’est pas en demandant aux gens de maigrir qu’ils vont le faire, c’est une pathologie avec des prédispositions, des facteurs génétiques, épigénétiques mais aussi environnementaux. La pathologie de ce monsieur n'y est pas pour rien dans ce drame. On connaît aujourd’hui mieux les causes et nous savons que c’est tout sauf une histoire de comportement !
⚖️~#Perpignan : l'avocat de l'homme de 300 kg déposera plainte jeudi pour "non-assistance à personne en péril" #Tribunal #Société https://t.co/b0ARe9B59v via @lindependant
— L'Indépendant (@lindependant) October 26, 2020