Le profil du baclofène devient plus net. La nature des effets indésirables liés à l’utilisation de ce médicament dans l’alcoolodépendance commence à se dessiner beaucoup plus clairement. Aussi bien quantitativement que qualitativement. « Au cours de l’année 2012, 263 cas (93 graves et 170 non graves) correspondant à 405 effets indésirables ont été rapportés dans le traitement des addictions, soit 163 cas de plus que pour l’année 2011 », indique le compte-rendu du Comité technique de pharmacovigilance (CTV) du 16 avril 2013, que l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) a mis en ligne le 23 août. « Cette augmentation peut s’expliquer par une moindre sous-notification et/ou une augmentation de la fréquence de survenue des effets indésirables », précisent les auteurs du compte-rendu.
Des cas de décompensation maniaque
Les remontées de pharmacovigilance permettent aussi d’affiner nos connaissances sur les effets indésirables du baclofène. Utilisé depuis 40 ans comme relaxant musculaire, ce médicament est connu pour ses effets de type somnolence et vertiges. Mais, utilisé à très forte dose et pendant de longues périodes dans l'alcoolodépendance, il risque d’engendrer d’autres effets secondaires. Les dernières notifications de pharmacovigilance font ressortir des effets jusqu’alors peu connus, comme des troubles sensitifs et sensoriels, des cas d’insomnie ou encore des décompensations maniaques. Par ailleurs, le nombre d’effets secondaires les plus connus est en nette progression. Et la progression des ventes ne peut pas, à elle seule, expliquer un tel bond. Plus de quatre millions de boîtes ont été vendues en 2012. La prescription de baclofène dans le traitement de la seule indication de l'alcoolodépendance a progressé de 26,3 % entre 2011 et 2012.
En revanche, certaines inquiétudes semblent se dissiper. Le suivi national pour l’année 2012 ne confirme pas les risques de cancers ou de troubles hématologiques. Pour le Comité technique de pharmacovigilance, « ces nouveaux signaux témoignent de notre connaissance limitée dans les diverses fonctionnalités du récepteur GABA-B dont la pharmacologie est complexe et non élucidée. La notification spontanée doit être encouragée et la poursuite du suivi national est indispensable. »
Des nouveaux effets indésirables à signaler
Au vu de ces résultats, le rapporteur du Ctv recommande, sans surprise, de poursuivre le suivi national de pharmacovigilance et de mettre en place la recommandation temporaire d’utilisation (RTU). En juin dernier, le directeur de l’agence du médicament, Dominique Maraninchi avait affirmé que l’autorisation temporaire du baclofène était « une priorité de l’Ansm ».
Mais, le Ctv ne s’arrête pas là. Le rapporteur préconise également d’informer les professionnels de santé des nouveaux effets indésirables que peut présenter le baclofène. Le résumé des caractérisques du produit devrait donc indiquer qu’il existe des risques de décompensation, de dépression et de passage à l’acte suicidaire. Et à la rubrique « effets indésirables », le rapporteur du CTV suggère que soit ajouté: syndrome œdémateux, sècheresse buccale, troubles anxieux paradoxaux et syndrome d’apnée du sommeil.
Restreindre la prescription
Aujourd'hui, tous les médecins sont autorisés à prescrire du baclofène, même s'ils ne sont qu'une poignée à le faire réellement. Cependant, le CTV estime que pour minimiser les risques, « la mesure la plus efficace serait la prescription centralisée, pluridisciplinaire». Au CHRU de Lille, ce système a fait ses preuves puisque la proportion d’effets indésirables graves y est plus de deux fois moins importante que dans le reste de la France (25% contre 57%). La sélection rigoureuse des patients et leur suivi feraient toute la différence. En juin dernier, le directeur de l'Ansm avait pourtant assuré que la prescription de baclofène ne serait pas réservée aux médecins spécialistes en alcoologie mais bien ouverte à tous les médecins généralistes.